Death Wish : restons-en là Bruce

Simon Riaux | 8 mai 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 8 mai 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Tu as la bouche pincée, le sourcil un poil froncé, et l’œil mi-rieur mi-cogneur. On sent l’énergie taquine qui colore depuis tes débuts toutes tes prestations, mariée à une certaine forme de dureté en mode « je suis mature ma gueule, tu peux pas test ». Bref, on sent que tu t’en cognes, que tu es en pilote automatique, et que sans un usage industriel de Photoshop tu ressemblerais plus à un sapin de Noël abandonné dans une ruelle à vomi qu’à un gros dur bien badass. C’est ta tronche, et tu la tire sur toutes les affiches de tous tes films depuis au moins dix ans.

Comment en est-on arrivé là Bruce, à l'affiche cette semaine de Death Wish d'Eli Roth (notre critique par ici) ?

 

Photo Death Wish

Bruce à la dérive

 

UN HEROS SUPER

On ne s’est jamais dit que tu étais taillé pour sauver le monde, mais ça ne t’as pas empêché de sauver le cinéma d’action. Schwarzenegger sortait de Predator, Stallone venait de plier l’Afghanistan dans Rambo III, et plus personne n’en avait grand-chose à faire, tant ces colosses avaient fini par déréaliser un genre par essence brut et terre-à-terre.

Et puis tu es apparu, avec ta calvitie annoncé, ton marcel tout pourri, ta voix nasillarde, tes pieds en lambeaux et ta langue bien pendue. Tu n’avais pas envie d’être là. Héros de circonstance, tu passais toutes tes aventures à pester contre la mécanique narrative qui te ballotait tel un fétu de paille surarmé. Ta simple présence vaporisait les codes et convention d’un cinéma d’action dont les héros n’avaient alors plus grand-chose d’humain.

 

Piège de Cristal

 

À partir de Piège de cristal, tu as établi ta légende, ton héros à toi, à nous, ta persona, à savoir un type pas bien finaud, extrêmement malin, roublard, pas super doué pour la comédie, mais invraisemblablement charismatique et sympathique. Cette entité, tu as commencé à la sculpter avec Clair de Lune en 1985. Série sympathique où la relation que tu nouais avec Cybill Shepherd passionna des centaines de milliers de spectateurs.

Pendant 4 ans, ceux qui n’étaient pas encore des fans se demandaient quand et comment vous alliez finir ensemble, avant de déserter le show sitôt votre union prononcée. Un contrecoup qui donna naissance à la Moonlighting Curse ou Malédiction de Clair de Lune (règle selon laquelle il est plus « rentable » d’exploiter la tension sexuelle entre deux personnages que de narrer l’avènement et la vie du couple qu’ils pourraient former). Et bien tu sais quoi ? La Moonlighting Curse, c’est toi. C’est ta carrière.

 

Photo , John McTiernanDie Hard 3, ou l'avant Monsieur Propre

 

NE PAS ETRE OU NE PAS ETRE

On a passé les années 80 et 90 à te regarder te prendre des gamelles. Bien sûr, tes personnages, de John McClane, à Joe Hallenbeck, sans oublier James Cole, ont toujours poursuivi un but, voulu sauver quelque chose, mais plus que les voir y parvenir, c’est les voir se débattre que nous aimions. L'Armée des 12 singes en représente l’acmé dépressive en un sens. Cole ne parviendra pas à arrêter l’apocalypse en marche, tout au plus laisse-t-il des miettes pour qui y parviendra, mais chemin faisant, il lui est donné de comprendre l’origine du trauma des traumas, de faire la paix avec lui-même et in fine, d’aimer.

 

Photo , Bruce Willis, Luc Besson"Mais qu'est-ce que je fous là ?"

 

À l’époque, tes anti-héros, empêtrés dans un réel qui nous parle immédiatement, butent comme le public sur leur existence. Et on aimait te voir galérer. On ne t’en aimait que plus. Et puis quelque chose s’est brisé. Si je voulais faire du mauvais esprit, je situerais la rupture au niveau du Cinquième Elément et j’émettrais l’hypothèse que le tragique scénario de Luc Besson t'a rayé le cerveau. Mais ce serait franchement pas très sport. Non, si tu t’es mis progressivement à multiplier et enchaîner les productions bas de gamme dans lesquelles tu fais semblant de jouer, c’est parce que tu t’en cognes. Comme ton héros de Clair de Lune, c’est quand tu es arrivé au sommet que ça a précisément cessé de t’amuser.

 

Photo , Bruce Willis

 

Tant pis pour nous, mais s’il te plaît, si tu n’en as vraiment plus rien à carrer, alors va te planquer dans ta petite ville natale de l’Idaho, où tu avais justement pris le temps en 2006 de te retirer, pour y acheter un théâtre et mettre en scène une poignée de pièces. Profite, fais ce que tu veux, mais par pitié arrête d’amoindrir des pépites comme Le Dernier samaritain en enchaînant les trucs informes comme L.A. Rush ou Acts of violence ou Vice.

 

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Quand Bruce fait du Willis...

 

TOO MUCH BRUCE

« Tu ne peux pas te ramener et m’apprendre à jouer Bruce Willis. Je suis Bruce Willis. » C’est Kevin Smith qui raconte, désolé, que tu lui as jeté ces quelques mots au visage pendant le tournage de Top Cops. Et le souci, c’est que tu mets le doigt dans l’œil jusqu’à l’épaule. Parce que si tu crois que Bruce Willis, c’est ce type aux faux airs de Monsieur Propre, incapable d’afficher la moindre expression faciale, tout juste bon à réciter un chapelet de conneries prophylactiques en interview sur ton désir d’aller combattre en Irak, et ton souhait de mettre à prix la tête de Saddam Hussein, tu es un chouïa à côté de tes pompes…

 

Photo Bruce Willis, Elisabeth ShueDeath Wish

 

En dix ans, Wes Anderson (Moonrise Kingdom), Rian Johnson (Looper) et peut-être M. Night Shyamalan (Glass) seront les seuls à avoir pu tirer quelque chose de toi. Parce que tu t’ennuyais ? Parce que eux, tu les écoutes ? Peu importe finalement. Ce qu’il y a de plus triste Bruce, c’est que tu as tellement désossé ce héros à part que tu symbolisais, que non seulement personne n’a envie de poser les yeux sur ton remake de Death Wish par Eli Roth, mais on n’est pas loin de se dire que tu es une grosse écharde dans le pied de Glass, la suite d’Incassable que nous sommes des millions à attendre impatiemment après ton apparition surprise à la fin de Split.

 

Photo Bruce WillisDans Looper

 

Tu étais l'outsider. Ce petit gars qui, de l'argot plein la bouche, faisait bien se marrer de sales types auxquels il parviendrait de justesse à donner une sacrée correction. Tu es désormais le héros de Death Wish, chirurgien le jour, justicier la nuit. Tu présides au destin de personnages secondaires dont tu te moques tout en transformant tout ce qui bouge en pâté de plomb. De funambule imbibé de whisky et de bière tiède, tu es devenu juge et bourreau d'un procès qui n'intéresse personne, pas même toi.

 

Photo Bruce WillisBruce est bon pour la cour martiale

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commentaires
Décence
16/11/2020 à 09:30

Un peu de décence et de respect SVP envers un mastodonte du cinéma US des 30 dernières années qui a signé parmis les plus belles pepites dans differents genre.
En somme vous nous racontez quoi ? La déliquescence d'une star ? Mais quelle star ne s'est pas vautré colle Bruce Willis dans une certaine feignantise qui aura finit par nuire à sa carrière. Voir la carrière de Nicolas Cage, de De Niro, de Depardieu, de Liam Neeson, et ce n'est que citer les plus grands (on peut en fait considérer 90% des acteurs majeurs depuis les années 80). So what ?
Ah si Tom Cruise se maintient à flot et en pleine forme ? Et vous trouvez sincèrement décent la saga Mission Impossible à peine plus relevée que la saga Fast And Furious.
Donc un peu de respect SVP dans votre manière de présenter les choses. BRUCE willis reste un mythe, comme stalonne, et aucun de ses navets ne pourra egratigner le mythe. Capicce ?

peto
09/05/2018 à 15:49

C'est pas une histoire de botox tout ça? Les séances d'injections qui tombent pile pendant certains tournages.

Birdy
09/05/2018 à 14:02

Il faut dire aussi que les vrais grands rôles, aujourd'hui, sont rares, et que personne n'irait les proposer à Bruce Willis et sa poker face de mec jamais content.
S'il enchaîne les bouses, c'est surtout parce que sinon, il tournerait rien d'autre. C'est pas comme s'il avait un agent foireux, ou des goûts de chiotte pour choisir ses films. Donc rêvez pas, cet acteur qui avait un vrai intérêt à une époque n'est plus que la caricature de lui même, touche ses (gros) chèques, ne lis sans doute même pas les scénarios qu'on lui propose, et basta.
C'est le genre d'acteurs en fin de carrière que Besson va chercher pour ses prods à 15 millions genre Taken 8. Parce que le gentil Liam, c'est pas le même profil ? Superbe acteur paumé dans des films d'action tous plus nazes les uns que les autres.

Birdy
09/05/2018 à 13:57

Son auto dérision de Oceans Twelve était sympathique aussi...

Riku
09/05/2018 à 10:15

@Olivier637

Ah bah je suis relax. Je trouvais juste amusant que tu cites quasi l'article dès les premiers mots de ton commentaire.

Olivier637
09/05/2018 à 07:33

@Riku je voulais mentionner die hard 4 et surtout protester un peu sur la critique pas cool du 5e element. Et citer ce brave liam neeson. Il fait un peu les memes choix (les sous taken) que bruce et pour les memes raisons, et j ai l impression qu il s en prend moins dans la gueule. Relax.

F4RR4LL
09/05/2018 à 00:46

Bruce était très bon dans la pub M. Propre. Pourquoi personne n'en parle jamais ?

Riku
08/05/2018 à 20:19

@Olivier637

C'est peut-être dommage que t'aies pas lu tout l'article, puisqu'ils citent à peu près exactement les mêmes bons films.

Olivier637
08/05/2018 à 20:12

Bruce etait tres bien dans looper. Et oui chez wes anderson aussi. Tres bien dans die hard 4 aussi. Je vous trouve durs de dire que son declin date du 5e element, qui desole est quand meme un chouette souvenir pour la majorité des plus de 30 ans. Apres c est clair qu il y a beaucoup de bouses depuis 10-15 ans, mais je pense pas que bruce soit perdu pour autant.

C est le syndrome liam neeson, je paye mes impots first et une fois de temps en temps je rappelle au monde que j en ai sous le capot.

Mr Vide
08/05/2018 à 19:35

C'est pas lui. C'est un robot.
LUI il fait que les bons films, 1 fois tous les 8 ans....
J'en suis sûr !
Si!

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