Alain Chabat : le roi (de la comédie) est Nul

Jacques-Henry Poucave | 5 décembre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Jacques-Henry Poucave | 5 décembre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Quand on a découvert qu’Alain Chabat préparait un film de Noël, on s’est un peu demandé ce qu’il était allé faire dans cette galère.

Contre toute attente, le traîneau de ce Santa n’a rien d’un bâtiment en détresse, et c’est vêtu de vert qu’il illumine une fin d’année glaciale. Une fois de plus, la magie Chabat nous ensorcèle (voir notre CRITIQUE). Mais qu’est-ce qui fait donc d’Alain Chabat l’indéboulonnable maître de la comédie française, et le Saint Nicolas inattendu de ce mois de décembre ?

 

Photo Alain Chabat

Un Santa vert bien comme il faut

 

SUPER NUL

Plus visible que ses complices Chantal Lauby et Dominique Farrugia, identifié (à tort ou à raison) comme le plus populaire et créatif, Alain Chabat est le membre de la troupe sur lequel repose avec le plus d’évidence l’héritage des Nuls, quatuor comique indissociable du légendaire « Esprit Canal », qui devait culminer avec la Cité de la Peur.

Une époque désormais lointaine, d’autant plus que l’humour porté par Alain Chabat a considérablement muté, pour se décoller progressivement de l’observation méta des us et coutumes télévisuels, mais que réactive la moindre apparition du comédien et cinéaste.

 

Photo Chantal Lauby, Dominique Farrugia, Bruno Gaccio

Les Nuls

 

Pour plusieurs générations d’humoristes, les gags, parfois repris ou inspirés du Hamburger Film Sandwich (chef d’œuvre culte de ceux qu’on n’appelait pas encore les ZAZ), ont constitué une rupture fondamentale. Irruption en prime time d’une grossièreté assumée, nouveau bagage référentiel, grand écart permanent entre absurde, grivoiserie et sensualité de l’insulte ravageuse. Après Les Nuls, impossible de continuer à faire rire comme avant.

 

Photo

Le Journal Télévisé Nul (JTN)

 

ORDURE COSMOPOLITE

Si Alain Chabat a si efficacement traversé les années, comme comédien, mais aussi metteur en scène, c’est parce qu’il n’a jamais fait de son nom une marque inoxydable, mais toujours un matériau prêt à s’hybrider avec le talent de ses pairs. Quand il met en scène Didier, son premier film, il ne se donne pas exactement le premier rôle, qu’il confie à Jean-Pierre Bacri, et demeure ressort comique. Il le retrouvera comme acteur dans Le Goût des Autres, où il fait montre d’une finesse et d’une précision de jeu remarquable, parfaitement à l’aise au sein de l’univers Bacri-Jaoui, qu’il n’essaie jamais de phagocyter.

 

Photo Alain Chabat

Un Homme et son chien

 

La dimension kaléidoscopique éclatera dans Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, synonyme pour l’artiste de consécration totale. Il y prouve non seulement qu’il est capable de se fondre dans les cases d’Uderzo et Goscinny avec une aisance confondante, mais que sa patte parvient simultanément à s’y épanouir. Plus de 14,5 millions de spectateurs valident.

De même, il y invité une foule de talents à priori parfaitement incompatibles, et dont les interactions font soudain des étincelles, comme en témoignent les échanges complètement barrés entre Edouard Baer, Christian Clavier, Depardieu et Jamel. La folie douce de Chabat a cela d’ahurissant qu’elle semble prendre quels que soient les comédiens et auteurs auxquels il l’inocule. Cet humour qui fait feu de tout bois tient dans ces mariages impossibles beaucoup de sa force, et du sentiment d’évidence qu’il inspire.

 

Photo Alain Chabat, Monica Bellucci

Alain Chabat : Mission Film Culte

 

ALAIN THE KID

Une autre règle fondamentale qui régit les mondes de Chabat pourrait être le rapport absolu entretenu avec une notion purement enfantine : l’absolue décomplexion. Rien ne semble arrêter ou faire douter ses scénarios, jamais sa caméra n’hésite ou ne recule avant de se lancer dans un énorme délire, pourvu qu’il soit bon.

  

Alain Chabat et Jamel Debbouze dans le film Marsupilami

 

Qui d’autre sait, sans jamais verser dans la vulgarité, « renifler le cul des meufs », travestir Lambert Wilson en dictateur militaire transformiste obsédé par Céline Dion, faire passer Max Boublil pour un moine franciscain neurasthénique, ou jouer au premier degré d’une règle du Monopoly pour sortir Santa Claus d’un mauvais pas ? Ne cherchez pas, il n’y a que Chabat pour attaquer de front des situations aussi puissamment différentes et évocatrices, avec la sincérité d’un môme parvenant à peine à retenir ses larmes de rire.

 

  

Après s’être fait connaître en important puis transformant un humour américain débridé et encore inconnu chez nous, Chabat retourne du côté de chez l’Oncle Sam pour lui voler un de ses symboles commerciaux par excellence, victime d’une crise de foi et auquel il confère une âme particulièrement touchante. Il faut la pureté d’une âme d’enfant pour non pas retrouver la magie perdue de Santa, mais bien la réinventer tout à fait, se l’approprier et nous en faire cadeau.

La force du rire Chabat, au-delà de son tempo, de ses qualités rythmiques évidentes et du jeu complexe de références qu’il déploie, vise à nous faire retrouver cet état de l’enfance, cette candeur première qui tend à l’émerveillement. Impossible de ne pas penser, face à ce mélange de finesse, de ligne claire, de profonde impertinence drapée dans une chaleur humaine indéniable, à la force d’un Gotlib.

 

Photo Alain Chabat

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
RobinMurgia
19/04/2020 à 14:35

Le Decker... le commentaire aussi con que son rédacteur

StarLord
05/12/2017 à 22:54

Merci pour ce bel article, un bien bel hommage largement merité!

corleone
05/12/2017 à 22:14

Emouvant ! Je demande si ce type se rend vraiment compte à quel point il est génial et indispensable pour le cinéma français. Vous êtes juste un monument vivant, monsieur Chabat !!!

Decker
05/12/2017 à 22:08

Brulons Alain Chabat !