Ava : Critique à la plage
Après Julia Ducournau et son épatant Grave en 2016, La Semaine de la Critique impressionne en révélant une nouvelle jeune cinéaste française, elle aussi issue de la FEMIS. Loin des clichés véhiculés par l’école depuis une vingtaine d’années, Léa Mysius s’impose comme une cinéaste à l’univers propre et au talent saisissant.
NOW YOU SEE ME
Ava a 13 ans et fait son possible pour passer un bon été au bord de l’Océan, malgré sa mère envahissante et un peu trop libérée à son goût. Sauf que tombe le terrible diagnostic : Ava va devenir aveugle, très rapidement. Avant de perdre la vue, elle s’élance dans une quête d’images, de lumière et d’amour.
Voilà pour ce qui constitue le point de départ d’un des plus singuliers premiers films découverts à Cannes de longue date. Avec pareille mise en bouche, Léa Mysius avait en main les cartes d’un mélo pur sucre, drame implacable, parfait pour gâter le peu de joie estivale que le marathon électoral de ces derniers mois avait laissé s’insinuer en nous. Sauf que non, Ava n’a rien du drame amer, et nous propulse dans un pur ravissement de cinéma.
Tout d’abord parce qu’avant d’être le récit d’une perte, aussi fondamentale soit-elle, c’est le récit de deux découvertes. La première, celle de l’amour et son incarnation sensuelle, fait l’objet d’un véritable tour de force cinématographique. Dès le premier plan du film, dès que se succèdent les images de ce mystérieux clébard errant dans ce qui sera le décor du film, le sens du cadre et du mystère propre au cinéma de Mysius nous étreint.
Il en fallait de la finesse pour filmer la découverte des premiers émois et leurs tourbillons au plus près du corps d’Ava, incarnée par l’éclatante Noée Abita. Décidée à emmagasiner autant d’images que possible avant que les ténèbres ne la recouvrent, l’héroïne explore et croit sous nos yeux. On imagine difficilement terrain plus miné que celui de l’éveil poétique et charnel d’une adolescente, mais Léa Mysius y accompagne sa protagoniste avec une attention et une délicatesse qui coupent souvent le souffle.
BONNIE AND BRIDE
Amour, désir et élan romanesque ne sont pas les seuls soubresauts qui viennent bouleverser l’existence d’Ava. Alors qu’elle s’éprend de Juan, jeune gitan que la police locale n’apprécie que très modérément, elle va précipiter son propre récit et sa quête initiatique dans une direction inattendue.
Progressivement, le film se métamorphose ainsi en une fuite proche du road movie, centrée sur un couple d’enfants terribles, dépassé par la situation et leurs aspirations. Une mécanique qui ne va pas sans une poignée de maladresses, mais qui permet au métrage de basculer dans un émerveillement contagieux, alors que ses héros se transforment en pulsar aveuglants, précipités dans une pure trajectoire de cinéma.
Et si on sent bien que Léa Mysius n’est pas certaine de comment conclure son film, qu’elle a finalement plus envie de nous raconter l’avènement d’une lumière nouvelle (comme en témoigne sa somptueuse et gourmande photographie) plutôt que la venue prochaine d’une nuit sans aube, la soif de narration et l’énergie qui se dégagent d’Ava suffisent à faire de sa réalisatrice une des créatrices que l’on suivra avec une immense attention.
Lecteurs
(4.0)21/06/2017 à 15:16
Magnifique film. L'un des plus beau de l'année.