HHhH : critique nazi à la French

Geoffrey Crété | 6 juin 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 6 juin 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Après La French avec Jean Dujardin,  qui n'a pas eu le succès escompté dans les salles françaises (1,5 millions d'entrées), Cédric Jimenez s'attaque à un projet ambitieux : un récit de l'assassinat d'un général SS pendant la Seconde Guerre mondiale, avec un casting hollywoodien (Rosamund Pike, Jason Clarke, Jack O'Connell, Jack Reynor, Mia Wasikowska). Resté étonnamment très discret avec une promo timide, HHhH arrive en salles avec un titre cryptique, qui interroge plus qu'il n'emballe les spectateurs. Verdict.

MISSION : IMPOSSIBLE

Derrière le cryptique HHhH (acronyme d'une phrase allemande qui signifie "le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich"), il y a une histoire incroyable : celle de l'opération Anthropoid, organisée par les services secrets britanniques le 27 mai 1942 pour assassiner Reinhard Heydrich, général des SS et figure importante du Troisième Reich. Un événement qui a ébranlé le régime de Hitler, suivi de violentes représailles et d'une traque infernale pour retrouver les responsables.

Une opération folle qui a inspiré deux films en parallèle : Anthropoid de Sean Ellis, et HHhH de Cédric Jimenez. Le premier, avec Cillian Murphy, Jamie Dornan ou encore Charlotte Le Bon, est curieusement passé inaperçu et sorti directement en vidéo en France fin 2016. Le second, avec Jason Clarke, Rosamund Pike, Jack Reynor, Jack O'Connell et Mia Wasikowska, a visiblement plus de chance : ambitieuse superproduction adaptée du livre de Laurent Binet, couronné du prix Goncourt du premier roman, il a les honneurs d'une sortie en salles, à peine porté par une promo étonnamment discrète voire follement silencieuse.

 

Photo Jason Clarke

Jason Clarke, vu dans Terminator : Genisys et La Planète des singes : l'affrontement

 

LA PAS-FRENCH

D'évidence, Cédric Jimenez a une culture de cinéma très américaine. C'était à la fois la force et la faiblesse du polar La French, et dans une moindre mesure de son premier film, le thriller Aux yeux de tous. HHhH respire le même amour du cinéma hollywoodien : narration ample qui embrasse plusieurs personnages sur plusieurs années, reconstitution soignée de l'Allemagne des années 40, fusillades en règles et carton sur l'aspect historique de l'action. Que la couleur du casting soit très hollywoodienne, avec notamment Jason Clarke et Rosamund Pike au premier plan, avec des apparitions de Céline Sallette et Gilles Lellouche (tous deux au générique de La French), est significatif.

 

Photo Jason Clarke

 "Mais si je t'assure, le blond illumine ton teint Jason"

 

Hollywood s'est approprié ces motifs au fil des décennies sans pour autant les posséder exclusivement, certes, mais impossible de ne pas s'inscrire dans le sillage du cinéma américain, à moins d'offrir une proposition forte. Ce qui n'est pas le cas avec HHhH : le film est efficace, emballé avec soin, bénéficie souvent d'un montage très solide et témoigne parfois d'un véritable regard de cinéaste (notamment dans son introduction), mais se dégage au final le parfum d'une œuvre scolaire, trop respectueuse et carrée pour réellement briller.

HHhH rappelle ainsi moins Jean-Pierre Melville, dont L'Armée des ombres reste encore un classique fascinant et ennivrant dans le genre, qu'un film américain ordinaire où le réalisateur aurait eu du mal à exister. Il n'y a pas de réelles fausses notes, mais la sensation d'avoir affaire à une production lissée, à laquelle il manque un souffle et une âme.

 

Photo Jason Clarke, Rosamund Pike

Gone Girl : A Nazi Love Story

 

THE KOOPLES

Si HHhH laisse cette sensation, c'est en grande partie  à cause de ses choix narratifs. Le scénario est ainsi découpé en deux parties distinctes : le film commence sur Reinhard Heydrich et sa femme Lina, interprétés par Jason Clarke et Rosamund Pike, avant de dévier sur Jan Kubis et Jozef Gaboik, les soldats envoyés par l'Angleterre pour tuer le général allemand avec la Résistance. Loin de se résumer à une partie sur les méchants puis une autre sur les gentils, cette structure met en avant l'humanité parfois tordue des protagonistes de cette sinistre époque, touchant du bout des doigts et parfois avec finesse l'ambiguïté de ces êtres.

L'idée d'articuler le récit autour de l'attentat lui-même, avec l'entrechoc des points de vue, est efficace, à défaut d'être profondément originale. Mais la manière dont le film construit et suit les personnages au fil des parties peine à convaincre. La figure du couple nazi, qui mériterait un film entier tant elle est fascinante, se dilue pour finalement disparaître à l'écran, dans tous les sens du terme. HHhH s'ouvre sur eux, prenant le soin de revenir sur leur rencontre et leur fusion terrifiante, solidement portée par l'impériale Rosamund Pike et Jason Clarke, étonnant et proprement étrange avec sa chevelure blonde. Mais ils seront éjectés du film sans offrir de conclusion satisfaisante, notamment pour le personnage de Lina. 

 

Photo Rosamund Pike

Rosamund Pike


Ce déséquilibre se répercute sur l'autre moitié du film, consacrée aux Résistants. Là encore, l'interprétation n'est pas à mettre en cause : Jack O'Connell (Les Poings contre les murs, Invincible, Money Monster) et Jack Reynor (Transformers : L'Age de l'extinction, Free Fire) sont excellents, et Mia Wasikowska assure le service dans les quelques scènes qu'elle a. Mais lorsque survient l'assaut final, avec l'issue inévitable, le lien qui unit ces deux jeunes hommes, ainsi que les autres membres de leur groupe, n'a pas eu le temps de prendre vie.

Il manque donc au troisième acte cette émotion et cette empathie qui auraient permis aux scènes, et notamment à la longue séquence de l'église, d'avoir une vraie dimension cinématographique. En l'état, elle se résume à une variation relativement efficace de motifs classiques, bien assemblés et filmés, mais dénués d'un réel impact. La portée de la dernière séquence, sous forme de flashback, est alors trop mécanique et artificielle : elle rappelle qu'il manque quelque chose à HHhH.

 

Photo Jack O'Connell

Jack O'Connell : un acteur en pleine ascension

 

DOUBLE FACE

Sur le papier, l'équation était particulièrement excitante : l'adaptation d'un livre prestigieux, sur un événement majeur et méconnu de la Seconde Guerre mondiale, avec un casting solide. A l'écran, difficile pourtant d'être satisfait par un film qui souffle le chaud et le froid, évoquant parfois des choses fascinantes avant de replonger presque paresseusement dans des scènes classiques.

L'adaptation, signée par Cédric Jimenez, Audrey Diwan (sa collaboratrice habituelle) et David Farr (Hanna, The Night Manager), a naturellement simplifié l'écriture dense et multiple de Laurent Binet pour offrir un récit clair ; mais vraisemblablement sans parvenir à en garder la force.

 

Photo

"Attention, v'là la critique française !"

 

Ce n'est certainement pas anodin si Anthropoid, l'autre film sur le même sujet, est uniquement centré sur les deux agents de la Résistance : ils offrent à eux seuls suffisamment de matière dramatique pour un long métrage. HHhH prend le pari très ambitieux de traiter les deux facettes de l'événement, mais s'y perd en cours de route : il ne se remettra jamais vraiment du couple sordide et fascinant formé par Heydrick et sa femme, qui placent d'emblée un cadre fort et étrangement fascinant.

Une fois revenu sur les rails trop serrés du film de résistants, HHhH perd de cette puissance qui germait, laissant la désagréable impression que ce couple a été abandonné au bord de la route. Cédric Jimenez semble alors piégé dans une structure qui court-circuite la dimension folle de l'histoire, contraint à filmer avec une certaine efficacité un récit trop limpide et clair, qui semble finalement trop scolaire comparé aux ambitions affichées.

 

Affiche

 

Résumé

Soigné mais scolaire, bien emballé mais trop classique, HHhH souffre d'une structure divisée en deux parties, qui peine à prendre une forme convaincante. Malgré une efficacité certaine, le film de Cédric Jimenez ne satisfait donc pas pleinement, notamment parce qu'il entame la course avec la figure passionnante et effrayante d'un couple nazi qui sera finalement mise de côté.

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commentaires
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29/04/2023 à 16:19

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Holly Body
15/06/2017 à 01:32

@Zanzibar

Sauf que tu écrivais juste dans un premier temps que tu ne voyais pas l'intérêt d'en faire un film, point. Nulle mention d'un quelconque talent impliqué. Selon ce que tu écrivais, le principe même d'un film serait inintéressant vs un documentaire (dont tu parles là encore dans le principe, comme si la forme docu était mieux dans tous les cas).

Ce n'est que dans le commentaire suivant que tu opposes deux exemples précis (ce film, et Le Monde en guerre). Là, c'est plus clair, et c'est un avis. Mais ce que tu dis avant, je suis en total désaccord.

Ivan
10/06/2017 à 11:52

Sur la guerre et la résistance tchècoslovaque, il serait sans doute très intéressant de mettre en images, en film le livre "La mort s'appelle Engelstein",

zanzibar_007
09/06/2017 à 16:55

@HollyBolly " si talent il y a", tout le problème est là. Le Monde en Guerre de 26 épisodes de la BBC est plus talentueux que ce film.
ça laisse songeur...

Holly Body
08/06/2017 à 23:08

@zanzibar

Après avoir vu HHhH, je confirme qu'un film consacré à Heydrich, sa femme, la manière dont il est arrivé à ce poste, aurait été passionnant.

L'argument "ça apporte quoi par rapport à un docu" : ça apporterait le regard d'un cinéaste, et la possibilité (si talent il y a) d'aborder la Seconde Guerre mondiale et un paquet de thématiques, au-delà même des faits. Sinon, on peut balayer de nombreux films sous couvert de "un docu l'a déjà dit et pourrait le dire"

zanzibar_007
08/06/2017 à 22:50

@Seb: Mais non, que la tentative d'Assassinat D'Heydrich soit un fait marquant de la seconde guerre mondiale est indéniable, le soucis c'est que je ne vois pas ce que ça peut apporter de plus, le Film, qu'un documentaire qui se concentrerait sur Heydrich et les relations qu'il avait avec Himmler, sur sa vie et son implication sur la solution finale (réelle) et le fait que son sang se soit infecté parce que les fauteuils de sa décapotable était rembourrée au crin de cheval.

Ce que je veux dire, c'est que je ne vois pas l'interet d'en faire un film, ça n'apportera rien, n'apporterait rien que l'on sache déjà.

Seb
07/06/2017 à 13:36

Dommage que le film s'articule simultanément sur les protagonistes allemands et résistants. L'attentat contre Heydrich (l'un des pires nazis qui fut, véritable organisateur de la solution finale) est tellement incroyable dans son déroulé et sa conclusion qu'il aurait mérité deux films adoptant chacun un point de vue, façon Mémoires de nos pères/Lettre d'Iwo Jima.

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