L'Amant double : critique qui te casse tout là-dedans

Simon Riaux | 21 mars 2021
Simon Riaux | 21 mars 2021

L'Amant Double, ce soir à 22h55 sur France 2.

Le thriller érotique, sous-genre évoluant aux limites de plusieurs univers marqués par les oeuvres de nombreux réalisateurs accomplis, effectue depuis quelques années un remarquable retour en force, initié par le biais de la littérature. En France, c'est François Ozon qui s'attaque donc à un exercice qui compte pour ambassadeurs rien moins que Paul Verhoeven, Brian De Palma, David Cronenberg, ou encore Alfred Hitchcock

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François Ozon s'attaque donc à la libre adaptation du roman Lives of the Twins de Joyce Carol Oates, dont l'argument paraîtra familier aux lecteurs de La Part des Ténèbres de Stephen King. Un récit freudien, faisant la part belle à la psychanalyse, au centre duquel se déploie la figure du double à travers le thème usité de la gémellité. Autant de pistes parfaitement compatible avec l'univers d'un cinéaste qui a toujours revendiqué une orientation formaliste et la conjugaison de codes variés et d'effets de style assumés. Le projet de Ozon apparaît ainsi d'autant plus légitime qu'il lui offre la possibilité de réinvestir les jeux de pistes formels expérimentés par les auteurs cités plus haut.

Et dès la deuxième séquence de L'Amant double, François Ozon bande ses muscles, à l'occasion d'un plan ahurissant et inédit dans le cadre du cinéma "traditionnel" ou dit d'auteur. Face à nous, un sexe de femme, béant et contraint par des instruments gynécologiques, se transforme alors que résonne pour la première fois la voix chuintante l'héroïne, en un énorme globe oculaire. L'image est saisissante, techniquement maîtrisée, mais de par son placement dans le film et le "discours" que met ce dernier en place, totalement absurde. Il s'agit là du premier effet d'une interminable liste de fanfaronnades visuelles, toutes plus outrées, orgueilleuses et déplacées les unes que les autres.

 

Marine VacthRegard noir de Marine Vacth

 

L'Amant double voudrait jongler entre Faux semblants, les jeux de miroirs Hitchcockiens, les mouvements d'appareil virtuoses de De Palma, mais échoue systématiquement à leur greffer un sens, à les insérer organiquement dans son récit. Très rapidement, il singe ses maîtres et plonge dans une spirale de ridicule proprement vertigineuse. Split-screen mouvants, surimpressions indignes d'un clip de Mylène Farmer ou percées impressionnistes revenues d'une parodie des Inconnus, la maestria technique du metteur en scène est bien insuffisante pour masquer les aberrations dramaturgiques qui président à ses pirouettes visuelles.

 

Photo Marine VacthVivent les calins

 

MOMIE PORN

Et si ces innombrables "trouvailles" tombent violemment à plat, c'est en grande partie à cause du scénario. Rarement aura-t-on vu, à fortiori dans le cadre d'un récit prétendant à une certaine intensité psychologique, des personnages multiplier les réactions ineptes et les décisions insensées. Parce que l'écriture ne justifie jamais l'amour de Chloé pour la chaussette trouée qui lui tient lieu de mari et d'analyste, on ne saisira jamais ce qui l'attire chez son jumeau et concurrent, thérapeute dont la méthode consiste essentiellement à organiser de mauvais pastiches de Max Pecas dans ses bureaux.

 

Photo Marine VacthLes yeux revolver

 

Indigent en matière de psychiatrie - on n'a pas droit au "Parlez-moi de votre mère", mais c'est tout comme - le film échoue également à créer le moindre mystère, à générer quelque forme de tension que ce soit. Un problème lié essentiellement à la direction des comédiens. Si on ne doute pas franchement du talent de Marine Vacth, faire de son personnage une murmureuse ahurie qui tient plus de la vessie percée que de la figure trouble est assez malvenu. Quant au pauvre Jérémie  Renier, il nous régale avec une performance qui évoquera aux connaisseurs les grandes heures du doublage hexagonal de Nicky Larson, mais annule au passage l'élément perturbateur qu'il devrait incarner.

A ce niveau de ratage (dont on admire néanmoins le systématisme), reste encore l'espoir que les séquences sulfureuses promises par le film soient à la hauteur. Pour le coup, si on ressort de l'expérience en ayant le sentiment de bien mieux connaître Rénier et Vacth, les malheureux s'empêtrent dans des scènes systématiquement parasitées par des effets grotesques et un surdécoupage qui interdit aux corps d'exister. Mécaniques ou bouffones, ces séquences ressemblent plus à un pastiche friqué de Jacquie et Michel qu'à la déferlente érotique attendue et se révèlent finalement aussi émoustillante qu'une rupture des ligaments croisés.

 

Photo Jérémie RenierIl tombe des nus

 

LA SPLENDEUR DE LA HONTE

L'Amant Double devrait donc relever de la pure torture, synonyme de rayures du cristallin et autres souffrances propres à dilater dangereusement le temps passé devant le film. Et pourtant, par la grâce du cinéma, L'Amant double se vautre si frontalement, totalement et généreusement dans un absolu n'importe quoi qu'il se transforme en un immense nanar. Car malgré ses échecs à répétition, le film a cette politesse essentielle de nous offrir un retournement de situation toutes les 7 secondes, et une quantité sidérante de vignettes hallucinogènes.

On n'oubliera pas de sitôt une des scènes de sodomie les plus gratuites et ridicules jamais vues à l'écran, une avalanche de "petite pute" et de "méchante salope", qui transforment la plupart des dialogues en clips de sensibilisation au syndrome de Tourette (ne manquez pas le "Barre-toi avec ton foetus avant que je te bute"). De même, on gardera un souvenir ému de Myriam Boyer, épatante en réincarnation de Simone Signoret, tout comme on chérira la mémoire de Jacqueline Bisset, dont l'expressivité témoigne des fulgurants progrès de la taxidermie.

 

Photo Jérémie Renier, Marine VacthPower couple

 

Les polytraumatisés de la série Dallas reconnaîtront à la fin du film un twist particulièrement odieux, inventé par la série américaine et considéré depuis plusieurs décennies comme l'exemple de ce qu'un récit ne peut proposer sans mépriser ouvertement son public. Rendons hommage à légèreté symbolique des situations et dialogues, qui profitent de la présence d'un félin dans chaque scène pour caviarder les répliques de jeux de mots à la lourdeur sensationnelle (mention spéciale à la "chatte écaille de tortue").

A coups de contresens, d'audace mal placée et de références écrasantes, ce thriller donne le sentiment curieux d'assister à une vision kaléidoscopique d'un érotisme hétéro-beauf embarrassant - qui est à l'oeuvre chez Ozon depuis Swimming Pool - un peu comme si Toto accouchait d'un remake d'Une chatte sur un toit brûlant. Si le résultat est abominable, il l'est suffisamment pour devenir un objet prodigieux, une sorte de comédie involontaire qui n'en finit jamais de s'écrouler sur elle-même. Un ratage pharamineux, mais dont les proportions épiques font paradoxalement de cet Amant double un film plaisant, indispensable aux amateurs de grand n'importe quoi. 

 

Affiche

Résumé

Rares sont les oeuvres à condenser autant d'erreurs, d'incohérences, de fautes de gouts et de faux pas stylistiques. Un ratage aux proportions épiques, mais qui touche également à une forme de grâce nanardeuse des plus touchantes.

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Lecteurs

(2.4)

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commentaires
petit_chacal
27/03/2021 à 21:35

Totalement raccord, ça se regarde assez plaisamment sans qu on comprenne le pourquoi car ce film est assez foutraque et cliché. Moi je crois qu'on suit Renier.

Kyle Reese
23/03/2021 à 21:55

@Miglou nu sur la banquise

Ach .. Scheiße ! Quel gâchis alors. En espérant la découvrir dans un meilleur film.

Tuk
22/03/2021 à 19:54

@ Mike26
On vous a reconnue Francois Ozon !! Tout ce que vous dite sur la rage et le fait de se caché derriere son PC, colle parfaitement et beaucoup mieux à votre propre commentaire !!!.

Miglou dans les étoiles
22/03/2021 à 17:52

@la Rédaction
d'ailleurs en relisant les commentaires, votre nombre d'étoiles est effectivement déconnecté de la critique et en vrai une étoile c'est déjà sympa

Miglou nu sur la banquise
22/03/2021 à 17:45

@Kyle Reese
J'ai fait le même raisonnement ! mais hélas Simon Riaux a raison un film inepte est inepte et donc ça ne marche pas belle ou pas belle nue ou pas nue !

Kyle Reese
22/03/2021 à 16:51

Bon, le film est-il vraiment aussi raté que cela, une vraie bouse ? Car elle est tout de même très jolie Marine Vacth. Je me laisserai tenté rien que pour elle ...

Simon Riaux
22/03/2021 à 10:06

@du cinoche français, donc

Au contribuable ?

Zéro.

Bonne journée !

du cinoche français, donc
22/03/2021 à 09:55

combien çà coute au Con-tribuable ce nanard?
virons le CNC, pour 10% de bons films on a 90% de films bourrins et consanguins,

Miglou glou coule à pic
21/03/2021 à 22:18

100% d’accord c’est inepte !!

Nico
21/03/2021 à 21:28

Excellente critique, ne changez rien M. Riaux!

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