Chez nous : Critique non sponsorisée par le FN

Geoffrey Crété | 21 février 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 21 février 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

C'est le film polémique du mois : Chez nous de Lucas Belvaux, qui raconte comment un parti d'extrême droite dirigé par une blonde enrôle une mère de famille pour en faire une candidate. Toute ressemblance avec le Front National n'est évidemment pas fortuite, et le parti de Marine Le Pen n'a pas tardé à montrer les dents, quitte à offrir au film une large promo dans les médias. 

MAUVAIS GENRE

2017 avait à peine commencé que la politique débordait : l'apparition en janvier de la bande-annonce de Chez nous déclenche de vives réactions au FN, qui parle d'un navet scandaleux dont le budget devrait être ajouté aux comptes de campagne de leurs adversaires. Pourquoi ? Parce que le film de Lucas Belvaux tourne autour d'une infirmière candide (Emilie Dequenne) enrôlée par un parti d'extrême-droite dirigé par une blonde (Catherine Jacob).

C'est paradoxalement grâce au FN que le nouveau film de Lucas Belvaux, qui retrouve Émilie Dequenne après le tendre Pas son genre en 2013, a gagné une place sur la scène médiatique, suscitant débats et curiosité. Sauf que Chez nous est au final très loin de mériter ce parfum sulfureux.

 

Photo Catherine Jacob, Emilie Dequenne

Catherine Jacob, entourée de Stéphane Caillard et Emilie Dequenne

 

BLONDE BLANC ROUGE

Si l'équipe a un temps essayé de minimiser la chose, Lucas Belvaux a vite assumé l'évidence : Chez nous vise directement le FN. Agnès Dorgelle, venue à la politique grâce à son père duquel elle s'est dissociée pour dédiaboliser son propre parti d'extrême droite, est incontestablement une version de Marine Le Pen (avec un zeste de Marion Maréchal-Le Pen et Nadine Morano, selon le réalisateur). Une femme politique ambitieuse, manipulatrice, froide et professionnelle, capable de toucher une corde sensible chez les électeurs pour créer une énergie folle dans les salles de meeting.

Dans cette entreprise qui aborde le populisme institutionnalisé et la perte de repères d'un électorat qui n'a plus les armes pour interpréter les signaux, le réalisateur a été aidé par l'écrivain Jérome Leroy, auteur du Bloc, un roman publié en 2011 où il raconte comment un parti d'extrême droite est parvenu au pouvoir. Agnès Dorgelles y figure déjà, mais Chez nous n'en est pas une adaptation. Le réalisateur de La Raison du plus faible et Rapt a privilégié une approche plus terre-à-terre, moins dans les arcanes du pouvoir que du côté du peuple. Et c'est certainement sa faiblesse.

 

Photo

Le personnage d'Agnès Dorgelle, fortement inspiré par Marine Le Pen

 

CHEZ MOU

Ce Chez nous se révèle ainsi terriblement inoffensif et attendu. Articulé autour du parcours amer d'une citoyenne exemplaire péchée par le parti, qui la sélectionne malgré elle pour en faire un étendard respectable, le scénario manque de la finesse nécessaire à ses ambitions. Le conflit familial avec le père communiste ("Je serai jamais le père d'une fasciste"), le discours douteux de l'amie dont la parole est peu à peu libérée ("On peut plus rien dire, sans dec !"), l'amant lié au courant le plus extrême du parti : Lucas Belvaux et Jérôme Leroy passent par tout l'éventail attendu pour cartographier cette France tant discutée.

Chez nous semble pourtant tourner autour du sujet sans l'affronter, ou en dire quelque chose de véritablement poignant ou nécessaire. La mise en scène très terne, le montage fonctionnel et l'interprétation des acteurs, qui manque de dimension, donnent à la chose des allures de téléfilm. Que l'histoire intime de l'héroïne, avec son amour de jeunesse, occupe une place si centrale dans ses questionnements, n'aide pas.

 

Photo Emilie Dequenne, Guillaume Gouix

 Emilie Dequenne et Guillaume Gouix

 

Le centre de gravité de Chez nous est peu politique. Ou du moins, d'une manière si peu inspirée qu'il ne convaic pas. Alors qu'il avait en main des cartes passionnantes, avec la possibilité trop rare d'offrir une vraie plongée dans les rouages de la politique à l'échelle locale, Lucas Belvaux se contente d'accumuler des situations et dialogues attendus, mi-téléphonés mi-grossiers. Il manque au film le temps, l'envie peut-être, de dessiner un portrait nuancé et suffisamment complexe de ce paysage tant discuté.

C'est d'autant plus dommage qu'il vise parfois juste, comme avec cette réunion digne d'un récit d'anticipation où une conseillère en image et communication du parti (interprétée par l'excellente Stéphane Caillard, mieux servie que dans la série Marseille) enseigne aux nouveaux venus l'art de la récupération politique, du cynisme et du mensonge éhonté. Là, le film a un sens, et une force saisissante. Ailleurs, il se contente de montrer et raconter des choses certes intéressantes voire indispensables, mais sans réellement leur faire dire quoi que ce soit. 

 

Affiche

 

Résumé

Très loin de mériter sa polémique, Chez nous est un film qui n'a de politique que le sujet et les intentions. La faute à un scénario trop superficiel et simpliste, qui en font un film terne, sans grande profondeur ni férocité.

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commentaires
matthieu
25/02/2017 à 22:57

Apres tout Charlie Chaplin a bien fait la meme chose avec son film le dictateur (dictature fictive, personnage fictif mais avec tout les codes du nazi) en 1940. Donc même qu'il y ai un message anti fn, je le salue!

Seb
23/02/2017 à 13:21

Sur un thème proche, mais avec une vision beaucoup plus pertinente, je recommande le film "un français".

Copeau
23/02/2017 à 08:01

Merci à @LaRedaction ! ;) Désolé que vous soyez obligé de faire les modérateurs ...

Copeau
22/02/2017 à 14:16

En choisissant Hitler comme pseudo, tu te ridiculises en plus de faire quelque chose de mal et répréhensible... j'espère que @LaRedaction pourra censurer ton post. Autant la diarrhée verbale de Dirry Harry est insupportable de bêtise sous couvert d'une fausse argumentation technique, autant il tient des propos qu'il a le droit de tenir ...mais toi et ton pseudo, tu ne devrais pas avoir le droit de l'ouvrir

Dirty Harry
22/02/2017 à 13:03

copeau qui donne des leçons de servitude à l'establishment : elle est belle la jeunesse : déjà embrigadée pour faire la morale si jeune c'est triste...Sinon traiter d'abrutis (donc de sous-hommes, qui n'ont pas le droit à une parcelle de respect, après c'est l'étoile jaune puis le camp c'est le projet ?) les dominés et exclus de la "mondialisation heureuse" (car ce sont les ouvriers qui votent en masse FN) est bien sur pas du tout "extreme" lais d'une mesure fine et délicate (comme s'asseoir sur le référendum de 2005 est une forme de dialogue ultra pointue en république bien évidemment, ou attaquer des pays qui ne nous ont rien fait juste parce qu'il y a une propagande droit de l'hommiste à la TV n'a rien de belliqueux bien sur). Sinon extreme n'est pas qu'une insulte pour permettre à la classe politique mondialiste de se maintenir en place via la culpabilisation des électeurs (en sur-fantasmant la position nationaliste) mais d'abord une façon de positionner géographiquement dans l'hémicycle un parti...Sinon un film fait par ceux qui bénéficient dans leur secteur de l'exception culturelle (donc du protectionnisme économique) qui refusent toute protection aux classes populaires (qui doivent subir délocalisations et déclassements avec pertes d'emplois) en les montrant comme des victimes malléables par un parti qui complote et torture des chats le soir a quelque chose d'indécent...(genre les pauvres ont tort de ne pas se réjouir de la situation de leur appauvrissement). M'étonne pas qu'on remplace toute question d'ordre socio-économique par des slogans et de la culpabilisation émotionnelle...(content d'être monarchiste pour ne pas encourager l'affrontement de ces deux France car je n'aime pas le régime des partis : cela divise alors qu'il faut chercher la concorde)

Joe Staline
22/02/2017 à 09:36

Alors dans ce cas @Copeau avec un tel pseudo, tu n'as rien à me dire, tellement tu es insignifiant ^_^ Quant à ton raisonnement, bah, j'entends les mêmes chez mes voisins de comptoir. A force de voir de la provocation partout et vouloir la combattre, on finit par créer une dictature de la pensée, certes, mais c'est comme cela que commence toute dictature. CQFD !

Copeau
22/02/2017 à 08:29

@Staline
Tu te trompes. La démocratie et la liberté d'expression ne donnent pas tous les droits ! Tu ne peux pas tout dire ... par exemple la diffamation est interdite... tenir des propos racistes est interdit...autre exemple : utiliser un pseudo de dictateur comme tu le fais ,dans un espace d'échange, est également dangereux car on pourrait y voir autre chose qu'une simple provocation ... donc non, comme nous sommes dans une démocratie et comme tu sembles prôner une icône de la dictature (certes différent du fascisme italien ou du nazisme allemand), j'ai d'autant plus le droit de te dire de fermer ta gueule ... car comprends que avec un tel pseudo et que si nous étions dans un film (puisque tu as raison c'est un site cinéma) , tu serais le méchant de l'histoire

Joe Staline
22/02/2017 à 08:14

Eh #Copeau, ne confonds pas Socialisme Soviétique et fascisme. On n'était pas du même bord, même si nos méthodes étaient semblables. De plus, puisque tu prônes la démocratie, tu ne peux pas me demander de fermer ma gueule. En démocratie, j'ai le même droit de m'exprimer que toi, ne t'en déplaise. Il est certain que mon avis est tout aussi insignifiant que le tien sur le sujet de la politique. Mais contrairement à toi, je vais l'exprimer sur des sites faits pour, pas dans des commentaires sur le cinéma. Bien évidemment, il est certain que tu ne puisses pas y trouver ta place, vu le mince faisceau de réflexion démocratique que tu émets. Je te conseille de retourner à Nuit Debout ou autre groupe de zadistes, bien plut terre à terre.

Benoit
21/02/2017 à 22:25

Un film politique qui sort juste quelques mois avant une élection présidentielle, ce n'est pas un film politique, mais un film de propagande.......

Lolo Pecho
21/02/2017 à 21:53

Il ne manque plus qu'un dossier sur Claude Autant-Lara et une interview de Franck Lapersonne.

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