Paterson : Critique qui rime
Après la rêverie vampire et désuète de Only Lovers Left Alive, Jim Jarmusch est repassé par la Croisette présenter Paterson, qui sort aujourd’hui dans les salles obscures.
Paterson habite à Paterson, New Jersey. Entre son métier de chauffeur de bus, son chien, sa compagne lumineuse et sa passion pour la poésie, son existence est réglée comme du papier à musique. Jim Jarmusch investit ce point de départ présenté comme résolument banal pour explorer une série de problématiques passionnantes et intrinsèquement liées à l’ADN lowfi de son cinéma. Le bonheur se trouve-t-il dans les petits riens ? La routine contient-elle, limite-t-elle ou protège-t-elle les joies de l’existence ?
Don’t Worry, Be Happy
Rivé à l’existence journalière, monotone, de son héros bienveillant, Jarmusch séduit par le soin et l’humanité qu’il confère à ces situations et ses personnages. Leur humilité, leur rapport simple à l’art et la transcendance, sont porteurs d’une beauté évidente. En considérant la poésie non pas comme un art littéraire supérieur dont la sophistication est synonyme d’élitisme, mais comme une nécessité vitale, un besoin impérieux qui sauve et illumine un monde médiocre, il replace sa pratique dans une perspective merveilleusement accessible.
Il est grandement aidé en cela par Golshifteh Farahani, contrepoint parfait à la douceur pataude, parfois proche du mutisme de Paterson. Sa présence soutient le film et lui apporte ce que son récit exige de ruptures de ton et de légères pulsations. Mais c’est bien Adam Driver qui confère au projet son sens et sa portée. Le comédien, délicieusement atypique, y rappelle combien il s’épanouit mieux dans le moule bosselé des productions indépendantes que dans les grosses machines telles que Le Réveil de la Force.
BeauJarmusch
Si Paterson touche et stimule son spectateur, le film s’avère finalement souffrir un peu de son concept de base (élégie du quotidien) mais surtout de l’incapacité de son auteur à se renouveler. On n’en veut bien sûr pas au cinéaste de posséder une grammaire, une syntaxe visuelle emblématiques, mais tout cela commence fortement à ronronner, évoquant une sorte de musée mumblecore incapable de se mettre en danger.
À la manière du Beaujolais Nouveau, le réalisateur nous délivre donc son cru 2016. Beaucoup plus inspiré que Only Lovers Left Alive et débarrassé de ses affèteries superficielles, la dégustation est appréciable, mais trop attendue. Avec ses airs de synthèse haïku, l’œuvre séduit, mais ne surprend jamais.
Lecteurs
(3.5)21/12/2016 à 15:14
deux rhien
21/12/2016 à 14:55
@postman
Bordel mais merci
21/12/2016 à 14:49
la poésie "prend" peu de risques...
relecture bordel...