Souvenir : La critique has-been

Christophe Foltzer | 21 décembre 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 21 décembre 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

2016 a été l'année d'Isabelle Huppert, ne serait que grâce à Elle de Paul Verhoeven. Si on espère que le film aura droit à son Oscar dans quelques semaines, Huppert a décidé de se faire une petite récréation en mode Eurovision.

Sur le papier, Souvenir est on ne peut plus prometteur : Isabelle Huppert y incarne une vieille gloire de l'Eurovision tombée dans l'oublie et qui travaille aujourd'hui à la chaine dans une usine alimentaire avant de perdre ses soirées à boire devant des documentaires animaliers. Un de ses collègues, un jeune boxeur ambitieux, la reconnait un jour et lui propose de relancer sa carrière. Idée simple, concept clair, on ne voit pas comment le film pourrait se tromper.

 

Photo Isabelle Huppert

 

ON CONNAIT LA CHANSON

Et pourtant, Souvenir se plante dans les grandes largeurs en étant totalement à côté de la plaque. Attention, on ne dit pas que c'est un mauvais film, mais ce n'est simplement pas l'histoire qu'il devait raconter au final. Alors que le cadre s'y prétait à merveille, le film évite son vrai sujet avec tellement de force que c'en est dommage. Là où on pouvait légitimement s'attendre à une critique du star-system, un état des lieux peu reluisant de notre société portée sur la consommation à la fois de denrées alimentaires industrialisés que d'êtres humains pré-digérés, Souvenirs se contente de ce fond passionnant pour ne nous livrer au final qu'une comédie romantique sans véritable enjeu et très premier degré. Pourtant, encore une fois, tout était là pour nous offrir, si ce n'est un chef-d'oeuvre, au moins une très bonne étude de notre époque. 

 

Photo Souvenir Isabelle Huppert Kevin Azaïs

 

Et c'est encore plus regrettable lorsque l'on voit les talents impliqués. Pour son second long-métrage, Bavo Defurne confirme son aptitude à une mise en scène solide et inspirée, révélant un sens certain du cadre et de la composition de l'image. Le jeune Kevin Azaïs prouve une nouvelle fois qu'il est l'une des stars montantes à suivre de très près (même si on le préfèrera, et de loin, dans l'excellent Compte tes blessures qui sortira dans quelques semaines) et Isabelle Huppert s'éclate dans son rôle de chanteuse has-been dépressive et alcoolique qui cherche à retrouver la flamme.

 

Photo Souvenir Isabelle Huppert Kevin Azaïs

 

FAUSSE NOTE

La façon-même dont est gérée son aptitude vocale dénote un certain second degré et un regard critique qu'on aurait aimé totalement assumés. Oui, Isabelle Huppert chante faux, n'a aucun charisme sur scène et la chanson du film est une soupe musicale qui vrille les tympans. Et, encore une fois, c'est une excellente idée et cela en dit long sur notre rapport à la consommation d'objets de divertissement dans une époque où tout semble prémâché pour plaire au plus grand nombre.

 

Photo Isabelle Huppert

 

Encore aurait-il fallu que l'ensemble prenne à bras le corps ce qu'il veut dénoncer sans plonger tête baissée dans un premier degré plus qu'embarrassant. Kitsch en diable, Souvenir n'est au final qu'une histoire d'amour basique entre un jeune et une vieille sur fond d'émission de variété. Pas honteux certes, mais tellement inoffensif que cela énerve un peu. En lieu et place du Sunset Boulevard qu'il aurait pu être, Souvenir se transforme rapidement en petit film du dimanche soir que nous regarderons en famille lorsqu'il passera sur TF1, juste avant de zapper sur France 3 pour revoir une énième anthologie consacrée aux chanteurs français des années 60. Vraiment dommage.

 

Résumé

Alors que son sujet lui tendait les bras, Souvenir le dégage d'un revers de la main en quelques secondes et décide de traiter son sujet en mode premier degré. L'idée était bonne, l'exécution énerve et le come-back attendu n'est, du coup, pas des plus passionants. Dommage.

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