Hedi : Critique pleine d'espoir
Avec son premier film long-métrage, le réalisateur tunisien Mohamed Ben Attia creuse le sillon d’une œuvre humaniste, engagée et profonde. Un film qui dresse le portrait d’une jeunesse tunisienne à la croisée des chemins, dont la finesse doit beaucoup à la remarquable interprétation de son comédien principal.
Portrait d’un homme perdu
A Kairouan, en Tunisie, Hedi (Majd Mastoura) est un jeune homme discret qui peine à s’affirmer. Coincé entre une mère vampirisante qui ne s’adresse à lui qu’à l’impératif, et un travail de commercial qui ne l’enthousiasme guère, Hedi doit sous peu se marier avec une femme qui a été choisie pour lui. Le dessin, qu’il pratique assidûment, constitue son unique espace d’expression. Lorsque son patron l’envoie à Mahdia, une ville côtière, pour prospecter de nouveaux clients, Hedi fait la connaissance de Rim (Rym Ben Messaoud), animatrice dans un hôtel local. Une rencontre en forme de coup de foudre qui fait voler un vent de liberté sur la vie du jeune homme …
Avec son physique de jeune Kevin Spacey Tunisien, Majd Mastoura bluffe par sa justesse. Le spectateur assiste d’un bout à l’autre à la remarquable performance du comédien, en même temps qu’à la transformation physique du personnage. La libération intérieure d’Hedi modifie sa gestuelle, sa façon de se mouvoir, et même l’aspect de son visage. Une mutation qui connaît son apogée lors d’une scène de confrontation avec la mère, saisissante de vérité.
Tunisie mon amour
Au-delà du portrait d’un homme, le film esquisse une radiographie de la jeunesse tunisienne cinq ans après le printemps arabe. Une jeunesse balançant entre la soumission aux traditions, la révolte passive, et l’expatriation à l’étranger. Les rites qui empêtrent la société s’y dévoilent dans toute leur absurdité –les bises qu’échangent Hedi avec des copains perdus de vue – mais aussi leur cruauté – la bise qu’échangent Hedi et sa promise.
La force de Mohamed Ben Attia est d’aimer tous ses personnages de la même manière sans jamais les juger, mais en tentant d’éclairer les faisceaux de contradictions dans lesquels ils se débattent. Adepte des plans rapprochés, il décrit les sentiments dans leur palette la plus nuancée. Le grand frère d’Hedi, à sa manière, fait face aux mêmes tiraillements que lui, même s’il a choisi d’y répondre différemment. Une finesse du traitement donnant toute son humanité à un récit qui choisit de montrer plutôt que d’analyser, et d’offrir à voir la grande Histoire, à travers le prisme de la petite.
Liberté j’écris ton nom
Malgré sa fin un peu abrupte, le film dessine un beau message d’espoir. A travers le réveil d’Hedi, Mohamed Ben Attia appelle à l’émancipation d’un peuple qui se situe à un moment charnière de son existence collective. L’amour apparaissant, non comme la fin, mais comme le moyen de cette émancipation.
Lecteurs
(0.0)14/12/2016 à 16:18
Merci EL de laisser passer ces "petites" productions au milieu des bulldozers. Belle critique qui donne l'envie d'Hedi. J'irai c'est sûr.