Critique : Les Soeurs Quispe

Simon Riaux | 4 juin 2014
Simon Riaux | 4 juin 2014

Fait divers méconnu en France, le destin des sœurs Quispe est un événement notable de l'histoire contemporaine du Chili. Bergères vivant reculées de l'altiplano, ces trois femmes vont voir leur mode de vie bouleversé par l'arrivée au pouvoir de Pinochet et les nouvelles lois promulguées par le dictateur militaire. L'occasion pour le réalisateur Sebastian Sepulveda de plonger au cœur d'une terre isolée, aride et battue par les vents où s'éteint lentement une certaine humanité.


On ne pourra pas reprocher aux Sœurs Quispe de faire dans la chronique historique édifiante. Pour qui n'est pas un tant soit peu familier avec le sujet ou l'histoire du Chili, ce récit n'apparaîtra que comme le récit humble et resserré d'un trio de femmes dérivant lentement sur le fil d'une humanité qui s'étiole. Et c'est sans doute là la première force du film, nous transporter totalement dans la réalité de ses personnages, au cœur d'un monde rêche et ingrat, traversé par des silhouettes fragiles et bouleversantes.

Avare en effets de style, concentré sur son image et sur ses comédiennes, le metteur en scène peint avec délicatesse et intelligence cet univers à priori hostile, dont la photographie magnifique sublime toujours la rudesse. Dans ce décors quasi lunaire, les textures, les rares paroles, les regards perçants balaient l'écran avec naturel et intelligence, nous donnant à ressentir quelque chose de ces existences au bord du gouffre. Grâce à la délicatesse de ce dispositif, il nous est donné par instant de pénétrer l'âme d'un territoire sur le point de disparaître, c'est ainsi toute la folie du régime de Pinochet qui se dessine en creux. Et Les Sœurs Quispe de se transformer avec finesse en réflexion politique simple mais essentielle.

On regrettera simplement que ce beau dénuement interdise au métrage de jouer plus directement de l'émotion. Humilité bienvenue, qui empêche toutefois le récit de nous emporter quand il le devrait au cours d'une dernière bobine où la tragédie rejoint la chronique existentielle. Le film demeure ainsi une œuvre forte et de qualité qui ne parvient pas tout à fait à se hisser au-delà de son excellence plastique. Par les temps qui courent, voilà qui n'est pas si mal.


EN BREF : Maîtrisé, subtil et aride, ce film éclaire d'un jour humble mais perçant l'accession au pouvoir de Pinochet.

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