Critique : La Chambre Bleue

Chris Huby | 17 mai 2014
Chris Huby | 17 mai 2014

Julien entretient une liaison adultère avec Esther, une belle femme brune sensuelle en opposition radicale avec la blondeur fade de son épouse. Leur relation est passionnelle et charnelle. Le problème c'est qu'ils s'aiment en secret et que leurs deux mariages sont remis en question. Avec le temps, le bon père de famille se laisse embarquer dans une horreur psychologique qui le dépasse. 

Le film part du principe inévitable qu'il existe une part de mystère indéchiffrable dans toute relation amoureuse. L'Autre reste indéfinissable à jamais. Dans les yeux d'un homme, toute femme représente un inconnu à maitriser. A l'intérieur du désir habitent ainsi une pulsion morbide et une peur qui peuvent pousser jusqu'au crime. Et sur ce chemin désastreux, il y a souvent une manipulation inconsciente, mère de tous les intérêts sexuels et possessifs. Une influence catastrophique qui sert aussi bien les motifs personnels que ceux qui semblent être extérieurs.  

Avec son 5e long métrage, Mathieu Amalric adapte Simenon de manière la plus élégante qui soit. Au bout de quelques films, le metteur en scène parvient à définir son cinéma. Œuvre à la fois sur les femmes et sur l'incompréhension extrême entre les êtres, l'obsession d'Amalric se lit dans son découpage somme toute très bressonnien. Le choix du 1.33 et du jeu d'acteur naturaliste rappelle les réflexes de froideur du réalisateur de Mouchette et de L'argent. Le montage met en avant une écriture morcelée, qui passe d'un temps à un autre, à l'instar d'un esprit flou qui commence à comprendre ce qui a bien pu lui arriver.

Les premières images sont celles du désir partagé et vécu. Les dernières sont celles de l'incompréhension face au réel. De la chaleur et de l'humidité des corps se juxtaposent des images de la réalité glaçante, des prisons et des bureaux grisâtres. Quelques plans sont « attrapés » par le regard du héros, des détails d'objet ici et là se retrouvent entre des séquences de dialogues explicatives. Dans la seconde partie du film, on commence à accepter l'incompris, alors que l'esprit de Julien est totalement morcelé, massacré, et qu'il est en recherche de douceur, de présent et de logique.   

S'il fallait classer ce petit film à l'efficacité redoutable, il serait à ranger parmi les thrillers paranoïaques à tendance hitchcockienne. Mais réduire ce métrage à une classification, comme l'ont fait énormément de critiques lors du festival de Cannes, reviendrait à en perdre la véritable nature sensitive et analytique. Amalric réussit amplement son pari. Son film mérite de s'y attarder longuement tant son travail sur l'inquiétante étrangeté est réussi.          

EN BREF : Almaric filme l'étrange étrangeté féminine de manière la plus singulière qui soit. Une réussite.    

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