Captives : Critique

Simon Riaux | 16 mai 2014
Simon Riaux | 16 mai 2014

Adulé jusque dans les années 2000, Atom Egoyan subit depuis Adoration le snobisme d'une partie de la critique, visiblement lasse d'un cinéaste aussi pertinent que discret, dont la mise en scène n'aura jamais cédé de terrain aux effets de modes, ni aux attentes de ses spectateurs. Le revoici sur la Croisette à l'occasion de Captives, thriller immaculé et cartographie d'un mal devenu tentaculaire et absolu. Encore une fois, la presse ignore superbement un maître dont la constance est devenue la paradoxale malédiction.

À bien des égards, Captives constitue un anti-suspense parfait, un détournement systématique des codes du film de kidnapping. Durant une période de huit interminables années, le couple formé par Bryan Reynolds et Mireille Enos souffre l'enlèvement de son unique enfant et alterne entre investigation et désespoir, à la poursuite d'un réseau pédophile aussi évanescent que tentaculaire. De ce canevas balisé (en apparence), Egoyan tire la radiographie glaciale d'un monde dans lequel le mal a triomphé. En silence, sans crier gare, les ténèbres ont pénétré chaque strate de la société, à l'image du fantomatique réseau qui hante le film et anticipe les actions de la police ou de ses victimes collatérales.

 

 

 

Le scénario s'attarde ainsi en profondeur sur cette amicale d'ogres en costards, tantôt clownesques, invisibles ou terrifiants. Ni l'enquête, ni la détermination d'un père au bord de la crise de nerf ne peuvent ici entamer la terrible dynamique établie par le réalisateur, qui se joue du public ainsi que de ses personnages au gré d'intelligents allers-retours temporels. Manipulation, pièges et doutes s'immiscent dès lors dans ce récit en apparence bien huilé, dont la conclusion optimiste se révèle un ultime leurre, retors et désespéré. L'angoisse distillée le long du récit s'incarne à merveille dans le démiurgique Kevin Durand. Il détourne le cliché traditionnel du bad guy diabolique, dont les multiples visages et les obsessions incarnent parfaitement une époque où les écrans d'ordinateurs ont engloutis jusqu'aux plus infimes de nos secrets. 

 

 

 

À l'inverse du récent Prisonners, dont les thèmes, l'univers ou encore les personnages peuvent sembler voisins, Captives se révèle d'une sobriété et d'une densité à toute épreuve. Egoyan ne s'égare jamais, préférant tisser une toile vertigineuse, qui génère sur le spectateur une onde de choc à retardement dont l'effet se fait ressentir longtemps après la projection. Dans un décor enneigé dont la pureté est un autre terrible faux semblant, croit sous nos yeux une vérité difficilement admissible : la cruauté, le vice et la torture ont gagné le monde, contaminé les écrans et conquis le public, clairement assimilé à celui de la salle de cinéma. Et s'il se perd un peu dans la relation entre l'excellent Ryan Reynolds et Scott Speedman, on ne peut que reconnaître l'impressionnante maîtrise de ce lumineux thriller, dont la noirceur saisit jusqu'à l'aveuglement.

 

Résumé

Amateurs d'adrénaline passez votre chemin, Captives est une prison à ciel ouvert dont Atom Egoyan se fait le guide avec brio..

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