Critique : Un voyage

Christophe Foltzer | 23 avril 2014
Christophe Foltzer | 23 avril 2014

Qu'il est loin le temps de J'ai toujours rêvé d'être un gangster, de sa hype toute parisienne, de son écran de fumée bobo masquant les emprunts divers et variés. Aujourd'hui, Samuel Benchetrit n'a plus trop la côte comme réalisateur et développer un film lui demande des efforts et un peu de moyens. Un voyage est fait sur ce modèle.

 

Le postulat de départ est très intéressant, pour ne pas dire passionnant. En racontant le week-end de ce couple qui part en Suisse afin d'y faire un suicide assisté, Benchetrit touche un sujet sensible, propice à accueillir une réflexion personnelle sur l'amour, le couple, la maladie, la mort, l'absence de l'autre et l'acte d'amour incroyable qui consiste à aider celui (ou celle) qu'on aime à mourir. Autant dire qu'on ne rigole pas trop dans Un voyage, voire pas du tout. On se dit qu'enfin Benchetrit arrête de faire du Benchetrit et nous raconte une vraie histoire. Sauf que non, raté.

Le manque d'argent n'excuse pas tout. Avec un budget aussi limité que le sien, si on ne s'attend pas à des frasques visuelles exubérantes, on est quand même en droit d'espérer un minimum de cinéma et de mise en scène. A part deux ou trois moments réussis, le film se prend constamment les pieds dans le tapis à cause de sa réalisation insipide et révoltante. Coller au plus près de ses personnages, pénétrer leur intimité, ne se résume pas à cadrer tout un film caméra au poing et plans serrés, ne baser sa mise en scène quasiment que sur des champs/contre-champs maladroits, faire fi de toute notion de composition d'image et donner la nausée au spectateur avec sa caméra tremblante, incapable de se poser plus de 10 secondes. Une torture visuelle qu'on croirait filmée en DV basse définition qui alourdit le jeu des acteurs (Anna Mouglalis en tête, toute en respiration rauque et en dialogues difficilement compréhensibles par instants), pourtant pas trop mal dirigés. Ils se retrouvent malheureusement handicapés par des dialogues beaucoup trop écrits et désincarnés (alternés par des répliques « normales »), il n'y a qu'à voir la scène de confession de la pourtant très bonne Céline Sallette pour s'en convaincre. Ajoutons à cela une progression irrégulière de l'intrigue et un décrochage fréquent du spectateur dû essentiellement à des séquences trop lourdes de symboles et grossières dans leur réalisation (la scène de retour à l'état primitif dans la montagne, où le couple imite des singes avant de copuler).

On ne pardonnera pas facilement à Samuel Benchetrit de se regarder constamment le nombril, de vouloir à tout prix nous délivrer un message fort en soi mais terriblement mal illustré. Seul Yann Goven surnage dans ce naufrage, parfait dans son rôle de mari torturé, déchiré entre la mort programmée et l'amour. Si la fin constitue le meilleur moment du film, le chemin pour y arriver se révèle pénible et son intérêt diminue comme peau de chagrin face aux postures de son réalisateur.

 

EN BREF : Un beau gâchis. Si Benchetrit nous livre probablement son film le plus personnel et le plus sincère, on comprend mal l'amateurisme général qui fait davantage penser à un film de fin d'études qu'à un quatrième long-métrage.

Résumé

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