Charlie Countryman : Critique

Simon Riaux | 20 mars 2014
Simon Riaux | 20 mars 2014

On ne devrait pas aimer Charlie Countryman. Parce qu'il a les traits de Shia Labeouf, à baffer comme d'habitude, parce que ses acteurs anglo-saxons ressemblent autant à des slaves que Lova Moore à Philippe Bouvard, parce que le film veut passer pour une romance rock'n roll malgré ses oripeaux de gros clip électro. Bref, le métrage idéal pour agacer le spectateur exigeant. Et pourtant, une curieuse magie opère, un tour de passe-passe dont seuls les funambules sont capables et qui fait de Fredrick Bond un réalisateur à suivre.

D'autres metteurs en scène auraient joué la carte du premier degré permanent et transformé ce récit candide en farce niaise. Pas de cela chez Mr. Bond. Ce dernier traite son héros avec un délicieux mélange d'ironie, de distance et de tendresse, ne cachant pas que ce nigaud aux cheveux gras n'est jamais qu'un touriste pathétique, tout juste sauvé par ses névroses et sa naïveté. Et Shia Labeouf de finir par nous toucher, à coups de réactions délirantes et de fulgurances énervées. Impossible de ne pas faire corps avec ce curieux anti-héros quand il décide subitement de coller une dérouillée à un Mads Mikkelsen impérial. De même, on ne peut que le suivre dans la spirale d'amour et de fascination où il bascule aux côtés d'Evan Rachel Wood, caricaturale mais irrésistible.

 

 

Le danger était grand de voir le film se transformer en long clip trop coquet pour être honnête. Fredrik Bond ne cherche jamais à esquiver sa tendance au maniérisme pop, au contraire, il l'assume pleinement à coups de ralentis, fausses perspectives et autres images ultra-travaillées. L'ensemble perd en fougue ce qu'il gagne en élégance, voire en grâce, le temps de séquences d'hallucinations remarquables, grâce à un sens du contraste et du contrepied qui fait souvent mouche. Le film nous promène ainsi, de romance en thriller, de film noir en trip stupéfiant avec une avidité qui nous contamine jusqu'à nous faire oublier ses défauts de construction.

 

 

 

Car, hélas, Charlie Countryman regorge de raccourcis scénaristiques grossiers et de rebondissements lourdingues. Ainsi le metteur en scène est-il obligé de mener en quatrième vitesse la conclusion de son histoire, dont il n'assume finalement pas la noirceur. C'est là le principal reproche que l'on pourra formuler à l'égard de cette errance azimutée : ne pas suivre la logique suicidaire de son personnage principal et le priver de l'épilogue tragique auquel il aspire. Par conséquent, l'habileté et la maîtrise visuelle dont a fait preuve jusque là Fredrik Bond révèlent un arrière-goût de roublardise. Il n'empêche, on s'est laissé prendre au jeu de cette ballade touristique hystérico-esthétique, car une fois encore, c'est le voyage qui importe plus que sa destination finale.

 

Résumé

Charlie Countryman n'est peut-être qu'un faux film indépendant de plus, trop malin et propre sur lui pour nous convaincre vraiment, mais l'ensemble est exécuté avec suffisamment de talent et de savoir-faire pour nous offrir une sympathique virée.

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