Critique : À Capella

Simon Riaux | 22 novembre 2014
Simon Riaux | 22 novembre 2014

Présenté pour la première fois en France lors de la 16ème édition du Festival du film Asiatique de Deauville, À Capella a marqué la manifestation de son empreinte en remportant les Prix du Public, de la Critique internationale et du Jury. Quelques heures après l'annonce de sa sortie française fin 2014, quel est donc ce film qui comptera assurément parmi les sensations de l'année ?

 

Dès l'ouverture d'À Capella, les pupilles de Chun Woo-Hee transpercent le spectateur. De ses yeux sombres, se déverse à l'écran une vague d'émotions puissantes, où surnagent la révolte, la tristesse et une force peu commune. Le jeune metteur en scène Lee Su-Jin ne s'est pas trompé en faisant de la comédienne le dispositif central d'une mise en scène aussi sophistiquée qu'apparemment simple. Un sujet tel que l'impossible retour à la vie d'une lycéenne traumatisée par un fait divers barbare aurait pu écraser ce premier film, son réalisateur ou ses comédiens. Il n'en est rien, grâce à une caméra qui réserve ses effets de style à la construction d'un récit complexe, mais sait toujours se mettre en retrait pour laisser l'émotion poindre, puis déferler.

De ce récit qui ne choisit jamais entre mélodrame et chronique d'une jeunesse broyée par une morale délirante, on retient de bouleversants portraits de femme. Si les thèmes abordés ne vont pas sans un certain dolorisme, jamais À Capella ne s'embourbe dans le piège de la narration dépressive ou la dénonciation simplette d'un machisme destructeur. La relation entre Han Gong-Ju et la femme mûre qui l'accueille, sa renaissance grâce à la musique ou son obstination à apprendre la natation nous amènent sur un tout autre terrain. En nous donnant à voir une étincelle de vie que rien ne saurait éteindre, pas même le désespoir où l'opprobre, Lee Su-Jin choisit de toujours privilégier la lumière aux ténèbres.

L'épilogue de cette histoire en forme d'élégie marque par la lumière éclatante qui la baigne, comme pour nous rappeler que des choix fatals peuvent être empreints de grâce. Du destin terrible de Han Gong-Ju nous parvient une énergie irrépressible, l'image de cette jeune fille lavant le dos d'une femme adultère rouée de coups, du sourire de sa meilleure amie transpercée par sa voix cristalline, de sa voix à la musicalité entêtante. Le tour de force exceptionnel d'À Capella est de nous conter simultanément une histoire à l'issue désespérante et son cheminement gorgé d'espoir.

 

 

Résumé

Lumineux et tragique, À Capella est un premier film dont la puissance et la délicatesse impressionnent.

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