Critique : Courts aux Oscar®

Nicolas Thys | 25 février 2014
Nicolas Thys | 25 février 2014
C'est un peu la fin d'une longue période de léthargie dans la reconnaissance du cinéma d'animation. La France commencer à bouger et ce n'est pas trop tôt. Alors que la Belgique a choisi Ernest et Célestine comme meilleur film de l'année, les Césars 2014 vont enfin remettre un prix du meilleur court et du meilleur long métrage d'animation. Rappelons que la catégorie « Film d'animation » n'existait que depuis 2011 alors qu'aux Etats-Unis les courts animés sont récompensés depuis 1932 et les longs depuis 2002. On assiste à une évolution notable du côté du côté d'un médium qui semblait mis à la marge de l'industrie cinématographique. Bientôt on arrivera peut-être à faire comprendre que les catégories courtes, souvent oubliées ou minimisées, regorgent de merveilles et qu'il est important de les montrer.

 

Pour commencer ce travail, Premium Film sort sur grand écran un programme réunissant huit films proposés pour l'Oscar du meilleur court-métrage d'animation 2014 : les 5 films de la dernière liste, deux films « hautement recommandés » et un simplement « short-listé ». Malheureusement et c'est le cas depuis quelques années, les derniers nominés, à quelques exceptions près, sont décevants. L'infantilisation outrancière est une menace qui s'abat sur une grande partie de la sélection. Les mentalités commencent à changer mais on attend maintenant que les votants de l'académie cessent de considérer que l'animation, surtout quand elle est courte, doit être jolie, mignonne et destinée aux enfants. Il est encore loin le temps où on verra des films comme Tram de Michaela Pavlatova ou Gloria Victoria de Theodore Ushev dans ces catégories...

Dans les hautement recommandés par les membres de l'AMPAS, A la Française, une production Supinfocom Arles, n'est présent que parce qu'il a été récompensé au SIGGRAPH 2013. Rien de palpitant dans cette farce sur les bonne moeurs dans un Versailles où les gens ont été remplacés par des poulets. On comprend toutefois le prix qu'il a reçu dans le festival qui suit ce séminaire dédié aux images de synthèse depuis 1974 : techniquement, c'est brillant et le rendu est excellent. Au delà, intérêt : néant. L'autre est le Pixar The Blue umbrella signé Saschka Unseld (Cf. notre interview ici) et que certains auront vu car il faisait la première partie de Monstres academy. Egalement une jolie réussite technique, il utilise au mieux le potentiel de Renderman, le logiciel made in Pixar qui fêtait ses 25 ans en 2013, pour proposer une esthétique réaliste. En résulte une histoire d'amour entre deux parapluies à l'intérêt somme toute limité.

Parmi les cinq nominés pour la cérémonie du 2 mars, un français : Mr Hublot d'Alexandre Espigares et Laurent Witz. Le protagoniste, aux nombreux TOC, vit dans un univers ultra-mécanisé et il se prend d'affection pour un chien robot qui grandit bien plus qu'il ne devrait. L'histoire est simple, la forme intéressante et le film fait sur ordinateur est réussi. Sans être révolutionnaire, il est bien plus intéressant que ce Room on the broom de Max Lang et Jan Lachauer dont on a encore du mal à comprendre la présence ici. Cette histoire gentille à la 3D minimale avec sorcières et animaux est un produit tout juste bon pour la télévision pour enfants et son cruel manque d'ambition ces dernières années. Le Pixar ne figurant pas dans les finalistes, Disney ne pouvait pas être absent. On verra donc Get a horse !, présenté avant La Reine des neiges, où l'on retrouve Mickey, Minnie & co. dans un pastiche de ce que faisait le studio dans les années 30 avec rythme soutenu, animation secouée et histoire minimale. Mais s'il est bluffant c'est uniquement dans sa 3D dont l'utilisation est très certainement la meilleure jamais faite à ce jour. On l'a également vu en 2D, il perd 90% de son intérêt...

On pourrait s'attendre à ce que Possessions et le Japon viennent enfin sauver la donne grâce à un mythe ancien. Il n'en est rien. Ce simili anime fantastique  ne convaint pas avec ses effets colorés perdus entre crayonné et animation numérique. De plus, l'histoire n'est pas très développée, le graphisme a des airs de déjà vu. Quand on le compare à la production moyenne d'Annecy 2012, il était en-deçà du reste. Pourquoi est-il là ? Mystère. Ou peut-être parce qu'il correspond aux standards et habitudes visuelles de votants qu'il faut éviter de trop déranger.

Reste deux films qui volent à mille lieues au-dessus des autres. Le premier est canadien et juste « short-listé ». Quand on voit les nommés d'avant, c'est plus qu'une déception. Subconcious password de Chris landreth (Cf. notre interview ici) a emporté le cristal d'Annecy en 2013. Réalisé à partir d'images de synthèse et de pixilation, le film poursuit un travail de réflexion sur la mémoire et l'inconscient amorcé avec l'une des oeuvres majeures de l'animation des années 2000 : Ryan. Cette fois, le postulat de départ est simple et amusant : la mémoire se bloque et impossible de se souvenir du nom de quelqu'un. Que faire ? On pénètre dans l'esprit de celui qui oublie pour se confronter à son subconscient. Si certaines références paraitront assez abstraites, l'ensemble est excellent.

Le dernier film, heureusement dans la sélection finale, trois fois primés à Annecy, est américain et réalisé hors des grands studios et de leurs vues et procédés d'animation bien trop normatifs et standardisés. Feral de Daniel Sousa a l'intelligence de ne jamais tomber dans la mièvrerie et de sortir des clichés et sentiers battus. Son thème, un enfant sauvage ramené dans la civilisation, a déjà été traité mais rarement ainsi. Composé de jeux d'ombre et de lumière autour de silhouettes d'où peinent à émerger des traits précis, le personnage reste prostré entre une humanité qu'il ne comprend pas et une animalité qui n'est pas totalement sienne. Graphiquement le film est aussi simple que beau, le travail sur les textures est parfait et l'animation à base de dessins sur papier est une vraie réussite tant le crayonné instable rend l'image sensible au moindre mouvement.


Lequel va l'emporter ? Feral sera notre favori puisque Subconcious password ne figure pas parmi les finalistes. Mr Hublot pourrait le mériter, les autres non. Résultats le 2 mars.

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