Critique : L'Expérience Blocher

Christophe Foltzer | 18 février 2014
Christophe Foltzer | 18 février 2014

Beau début d'année pour Jean-Stéphane Bron, puisqu'après la production et un rôle dans l'excellent Les Grandes Ondes (à l'Ouest), le voici qui endosse une nouvelle fois la casquette de réalisateur pour cette Expérience Blocher, qui n'est rien de moins qu'un portrait sans fard du politicien suisse plus que controversé.

Dès les premières secondes, Bron donne le ton : L'expérience Blocher sera un conte noir, n'hésitant pas à puiser son inspiration dans le cinéma d'horreur. En effet, on reconnait beaucoup de cadrages typiques des plus beaux fleurons du genre (Shining en tête), une photographie nourrissant les zones sombres de l'image et une partition angoissante. Un procédé périlleux, encore plus pour un documentaire, mais totalement justifié dans l'exercice que nous propose le réalisateur : approcher au plus près l'influent Christoph Blocher, chef d'un parti nationaliste et populiste (et populaire) doublé d'un multimillionnaire qui n'hésite pas à délocaliser en Chine. Nous sommes donc dans le jeu des apparences, dans le double-discours, dans le faux-semblant et Jean-Stéphane Bron l'exprime bien au gré d'un commentaire discret mais éloquent : Blocher fascine autant qu'il fait peur.

A la manière d'un Avocat de la terreur (en moins puissant et maîtrisé toutefois), L'Expérience Blocher suit le quotidien du politicien, sa campagne pour conserver un peu de pouvoir, ses meetings et la réalité de ses affaires en arrière-plan. Le gros problème du film, c'est qu'il se destine avant tout au peuple suisse. Un spectateur non informé sur Blocher y sera plus hermétique et manquera du contexte nécessaire pour bien en comprendre toute la portée. Même si l'explication nous est donnée, elle tarde à arriver, laissant l'audience dans une passivité nocive pour le message que Bron souhaite nous transmettre. Mais lorsque nous avons compris qui est Blocher, le combat peut commencer.

En effet, à partir de ce moment, L'Expérience Blocher dévie du portrait acide et dépasse son statut de documentaire pour se transformer en véritable affrontement silencieux entre le réalisateur et son sujet. Tous les deux pleinement conscients du pouvoir de l'autre, ils jouent à un véritable jeu d'échecs pour remporter la partie, à savoir le documentaire lui-même. Qui arrivera à exprimer son point de vue au détriment de l'autre ? Lequel vacillera le premier, laissant à l'autre le terrain nécessaire à son propos ? Le combat est passionnant et autant dire que les deux antagonistes vont très loin puisque, comme la dernière partie nous le montre, ils n'hésitent pas à convoquer une mise en scène un brin outrancière et à la limite de l'artifice (mais en adéquation avec ce dont on parle) pour remporter les derniers points. A défaut d'en sortir révolté, le spectateur termine le film épaté par ce bras de fer.

EN BREF : De grosses longueurs et un sujet trop exclusif au peuple suisse pour un film, au final, passionnant dans l'affrontement qui oppose le réalisateur à son sujet.

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