Critique : Viva La Libertà

Guillaume Meral | 5 février 2014
Guillaume Meral | 5 février 2014

D'Habemus Papam  à La grande belleza en passant par Il divo, force est de constater que le cinéma italien contemporain semble bien décidé à honorer à nouveau son glorieux patrimoine, du temps où il n'hésitait pas à questionner le destin politique du pays depuis le trou de serrure des arcanes du pouvoir. Pénétrer dans l'impénétrable et les secrets de cour gardés par les cerbères de la vie publique, pour mieux faire revenir à la table des débats le citoyen, bousculé et interpellé par le spectacle.

De fait, si Viva la libertà ne prétend pas jouer dans une veine aussi corrosive qu'un  Francesco Rosi, le film de Roberto Ando (qui fut l'assistant du réalisateur de Main basse sur la ville) parvient néanmoins à trouver sa place au milieu de ses collègues, dans sa propension à emprunter des chemins de traverse pour renouer avec l'essence thématique de son propos. Ainsi, tout en abordant frontalement la déshérence politique actuelle et la fracture séparant les citoyens des hommes de pouvoir qu'ils élisent à travers son sujet (à l'approche des élections, le leader du parti d'opposition italien, malmené dans les sondages et attaqué jusque dans son propre camp, décide brutalement de partir se ressourcer chez une ancienne compagne, provoquant l'entrée en scène de son frère jumeau, sorti de l'hôpital psychiatrique pour pallier à son absence), le film ose dévier de ses attendus en embrassant le thème de la gémellité pour questionner la perception de son personnage principal. De fait, ce qui aurait pu être le prétexte à une comédie mollassonne déroulant son prêt-à-penser de circonstance (façon Président d'un jour ou Bulworth) entraîne son spectateur vers les rives d'une fragmentation identitaire labyrinthique. Jusqu'à finir par côtoyer l'abstraction inhérente aux œuvres abordant le dédoublement de personnalité, à plus forte raison que la galvanisation progressive du peuple et des médias par le jumeau ne fasse basculer le film dans une sorte d'onirisme dont la nature décalée et ensoleillée va venir éclairer le propos du réalisateur.

En effet, c'est paradoxalement en mettant le déchirement existentiel de son héros au centre de sa narration, parfois jusqu'à reléguer son contexte électoral en toile de fond, que le film sollicite une filiation atypique dans la paysage du cinéma italien, et lui confère toute  sa singularité : la fable politique façon Frank Capra. De fait, le plébiscite général soulevé par le frère jumeau, ainsi que la contagion salvatrice produite par sa folie douce, à la fois sur ceux qu'il côtoie et sur le peuple transporté par ses propos, renvoie inexorablement à ces histoires d'homme providentiel improbable venant extirper les gens du marasme ambiant, non pas en s'imposant comme leader d'un renouveau utopique, mais en leur donnant les clés de leur responsabilisation. Comme pour mieux renvoyer le peuple dos-à-dos à ses hommes de pouvoir finalement, le premier se projetant dans le dédoublement du héros à mesure que l'euphorie d'un horizon alternatif s'offre à lui. Une proposition dont l'humanisme vibrant ne résonnerait pas de la même façon sans la performance bluffante de Toni Servillo, égérie de cette schizophrénie collective pleine d'espoir.

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