Critique : Piégé

Guillaume Meral | 13 décembre 2013
Guillaume Meral | 13 décembre 2013

On passe suffisamment de temps à conspuer le manque de prise de risques du cinéma français pour ne pas saluer l'initiative : un film-concept, qui tient tout autour de son pitch imparable (un soldat, après un assaut meurtrier qui ayant décimé son unité dans le désert afghan, se retrouve coincé en posant le pied sur une mine), son acteur principal, et les envies de cinéma d'un metteur en scène ayant fait ses armes dans le vidéo-clip. De fait, sur le papier en tous cas, Piégé renoue avec un certain esprit de la série B artisanale, transcendant son économie de moyens par l'inventivité de ses ressorts narratifs, et esquisse par son existence l'horizon d'un cinéma populaire dont l'ambition s'émanciperait de la fatalité de la dictature des budgets étroits dénoncés par les aventuriers hexagonaux du genre.

Par conséquent, il est d'autant plus frustrant de constater que Piégé ne tient pas  les promesses contenues dans son sujet, tant le réalisateur semble s'échiner à esquiver les mécanismes ludiques inhérents à ce type de productions pour privilégier une empathie forcée- par son refus d'être tributaire d'une narration de genre- envers son personnage principal. De fait, Piégé pêche moins dans son exécution (indéniablement, Yannick Saillet sait y faire avec l'image) que dans sa conception initiale : en limitant les tentatives du héros d'influer sur son destin à leurs portions congrues, le film s'engage sur la voie du portait concerné en mode semi-introspectif du personnage principal, interprété avec un bonheur inégal par Pascal Elbé, qui sollicite d'emblée la compassion du spectateur sans construire sa relation avec lui par le biais du récit. Comme si, de peur de perdre le point de vue humain indispensable à la réussite du projet, le réalisateur se refusait du même coup à céder au ludisme un rien sadique inhérent au genre (quand bien même l'entrelacement des deux constitue le pilier des réussites majeures de l'exercice, Phone Game et Buried en tête), se privant du même d'une véritable interaction narrative avec le public. Preuve en est ces rares scènes dans lesquelles le film semble aborder son sujet, mais qui perdent l'enjeu essentiel censé cimenter l'intrigue (ne pas retirer son pied de la mine sous peine d'exploser) à force de considérer cette dimension incompatible avec l'humanité du propos. En se choisissant de ne pas caractériser son héros à l'aune de sa situation atypique (voir le désert, unité de lieu jamais étouffante ni claustrophobique), Saillet se retrouve en définitif à filmer un personnage qui passe son temps à attendre que l'histoire se déroule, sans jamais essayé de contrarier son immobilisme contraint.

Résumé

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