Critique : Northwest

Simon Riaux | 7 octobre 2013
Simon Riaux | 7 octobre 2013

Michael Noer, issu du documentaire, voit sa première réalisation, Northwest arriver sur nos écrans quelques mois après une sortie remarquée dans son Danemark natal. Bénéficiant sans doute de l'intérêt actuel des distributeurs pour les productions estampillables « thriller nordique », le métrage débarque chez nous auréolé d'une réputation plus que favorable, d'aucun n'hésitant pas à le comparer au Pusher de NWR. S'il y a de quoi rester sceptique devant ces références et la mode qui les meut, il n'en reste pas moins que cette première réalisation venue du froid a tout d'un poing de souffre dans une moufle d'acier trempé.

Casper est l'aîné de trois enfants, obligé de survivre à coup de petits délits pour agrémenter un quotidien misérable, il va faire la rencontre d'un criminel bien plus aguerri que lui, prêt à le prendre sous son aile, pour peu qu'il se dévoue corps et âme à sa cause. Northwest tire son titre du nom d'un des quartiers les plus pauvres et métissés de Copenhague, et c'est bien ce dernier le personnage principal de cette histoire désespérée. Via sa mosaïque de personnages âpres, prisonniers de liens familiaux, sociaux, voire claniques, le récit nous dévoile les battements de cœur sourds d'une cité en pleine déréliction, dont le sang tantôt brûlant tantôt glacé fait immanquablement écho à celui qui bouillonne dans les artères de nombreux pays européens. C'est là la première grande force de la mise en scène : immerger le spectateur grâce à un naturalisme d'une réelle noblesse, qui n'oublie jamais de composer une esthétique rigoureuse, traversée de fulgurances picturales. Point de jugement, pas de réquisitoire, mais la pure radiographie d'une société en permanence au bord de l'éclatement, où les anti-modèles pullulent, sans aucun cadre capable de les enrayer ou de les exclure. L'œil du documentariste se fait clairement sentir, sans s'imposer.

L'autre réussite de Michael Noer tient dans cet équilibre sauvage entre désir de réel et soif de cinéma, de mythe. À l'image de ses personnages tiraillés entre des appartenances irréconciliables, le metteur en scène établit souvent des bascules d'une belle puissance, lorsque la crudité du réel se métamorphose au sein d'un même plan en une composition visuelle opératique. À l'image de son caïd nimbé dans les réfractions rougeoyantes d'une discothèque vulgaire, le film fait se nourrir réalité et fiction afin d'en dépasser les figures imposées. De cette position théoriquement intenable, l'artiste tire des scènes touchantes, bouleversantes parfois, comme en témoigne son dernier plan, où l'explosion tant redoutée prend la forme d'un espace vide, dont la vie s'est retirée telle la lumière des yeux d'un mourant.

Pour sa radicalité et sa clairvoyance quant aux tenants et aboutissants d'une criminalité protéiforme, on aime Northwest. On lui pardonne même le classicisme de son intrigue, ainsi que la trajectoire convenue de ses protagonistes. Il ne manque pas grand chose pour faire de cette surprise glaçante une déflagration véritable. Peut-être sa très grande proximité avec le sujet traité (famille travaillant dans la police, réalisation d'un documentaire sur un sujet idoine, ou apparaissait un des « acteurs » qui relatait son parcours criminel) a empêché l'auteur de tout à fait lâcher la bride à son récit. Quelques discrètes réserves qui ne doivent pas vous retenir de découvrir cette chronique sociétale d'une force inattendue.

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