Critique : Persistence of vision

Nicolas Thys | 7 juillet 2013
Nicolas Thys | 7 juillet 2013

Après Far out isn't far enough, merveilleux documentaire de Brad Bernstein, en partie animé, sur l'œuvre du dessinateur Tomi Ungerer présenté en 2012 au festival du film d'animation d'Annecy, la nouvelle édition du festival a présenté un film tout aussi spectaculaire consacré à Richard Williams : Persistence of vision réalisé par Kevin Schreck. Si le nom de Richard Williams ne dira rien au grand public, il est l'une des personnalités les plus controversées, admirées et étonnantes du dessin animé et l'auteur de la "bible" de l'animation : The Animator's survival kit.

Plusieurs fois oscarisé, la seconde fois pour ses qualités d'animateur sur Qui veut la peau de Roger Rabbit ? sur lequel il était responsable des effets visuels et de l'animation, Richard Williams est pourtant resté dans l'ombre, cherchant à créer son œuvre parfaite, sur laquelle il a travaillé plus de 30 ans : The Thief and the cobbler. Ce film, dont il subsiste quelques traces et séquences sur internet, était un pari fou et pour le moins risqué qui ne verra jamais le jour, pillé par Disney et son Aladdin avant d'être bâclé et enseveli en un rien de temps par la Warner qui en a sorti une version tronquée et aucunement fidèle aux souhaits du cinéaste.

C'est l'histoire, très chronologique, d'une vie et de ce film qui devait, comme le répétait Williams, révolutionner le dessin animé, dont parle Persistence of vision ; révolutionner le dessin animé en lui conférant une fluidité et des effets visuels totalement inédits, entièrement réalisés à la main et décomposés image par image. L'animateur a en effet travaillé des années avec une équipe réduite, dans un petit studio qu'il a créé, alignant les projets commerciaux et alimentaires, uniquement dans le but de réussir à produire The Thief and the cobbler, une histoire au pays des mille et une nuits, en le continuant dès qu'un peu d'argent rentrait.

Et ce projet était colossal, au point d'avoir fait intervenir un graphiste qui a mis plus d'un an à recréer un immense plan de la ville dans lequel se déroulait le film. Certaines séquences étaient découpées pour faire intervenir des mouvements de caméras qu'on pensait uniquement possibles en prises de vues réelles et qu'il est parvenu à reproduire en dessin et sans recours à la rotoscopie. A côté de cette idéal de dessin animé qu'il espérait atteindre, ses autres animations, même ses meilleures, étaient vite expédiées. Et voir ce dont il était capable est d'autant plus frustrant que le studio avec lequel il avait signé pour terminer The Thief... dans de bonnes conditions, l'a évacué alors qu'il ne restait que quinze minutes à réaliser avant de charcuter le film et d'en perdre toute la substance.

Véritable tyran, ne cédant sur aucun point et cherchant la perfection, le portrait que dresse Kevin Schreck de Richard Williams n'est pas élogieux et flatteur mais plutôt cru : il ne cache pas ses défauts afin de mettre à jour ses plus grandes qualités. Et on comprend d'autant mieux pourquoi Williams n'a pas voulu participer à ce documentaire, alors que ses acolytes encore en vie sont présents, et pourquoi il refuse de parler de son projet avorté. Reste qu'il sera toujours l'un des génies du dessin animé américain et qu'on peut voir quelques parties de son film dans des vidéos pirates, pour tenter de se consoler...

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