Critique : El Mercenario

Tonton BDM | 2 juillet 2013
Tonton BDM | 2 juillet 2013
Franco Nero / Sergio Corbucci / Franco Solinas : telle est la sainte trinité d'El Mercenario. Epatant de modernité (Tarantino lui empruntera une partie du score génial de Morricone pour son Kill Bill, ainsi que l'idée de la liste de tâches à accomplir), formellement assez superbe (un boulot de cadrage impressionnant, malheureusement parfois gâché par des tics de réalisation propres à l'époque et au cinéma de genre, auxquels se laissaient même aller des types tels que Terence Fisher ou Stanley Kubrick), ultra-rythmé, souvent très drôle et bourré jusqu'à la gueule de scènes d'action parfois géniales (les multiples déguisements des compañeros), El Mercenario se révèle rapidement un incontournable du western spaghetti.

Fresque libertaire aux accents volontiers parodiques (le cynisme du « Polack » campé par Franco Nero), riche de certains passages quasi-immédiatement anthologiques (la bagarre dans le poulailler, l'explication de la lutte des classes sur le corps de la prostituée) et d'amusants clins d'yeux (le duel final qui rappelle évidemment celui de Le bon, la brute et le truand), le film de Corbucci commence à la façon du Saludos hombre de Sergio Sollima, proposant au spectateur un discours extrêmement critique sur les groupuscules révolutionnaires mexicains (présentés dans un premier temps comme des pistoleros anarchistes et analphabètes certes en rupture avec le système mais recherchant avant tout l'enrichissement personnel), puis vire d'avantage vers romantisme militant un peu désuet. En cela, il est le digne successeur d'El Chuncho (avec qui il entretient d'ailleurs nombre de similitudes scénaristiques).

El Mercenario démontre en effet avec brio les limites du groupe pseudo-révolutionnaire mené par le personnage de Tony Musante, quand Franco Nero reproduit le schéma patron / ouvriers duquel le groupe de péones était sorti (il s'impose prioritaire sur les butins, la nourriture, l'eau et même les femmes, cf. le « sacrifice » de Giovanna Ralli pour tenter de faire réagir les compañeros). Pour les auteurs du film (Solinas en tête évidemment), le manque de repères de ces révolutionnaires de pacotille revient à un idéalisme suicidaire, sous-entendant logiquement le besoin d'une organisation forte et expérimentée (« le Parti, avant-garde du prolétariat » comme le disait Lénine) et d'autre part la nécessité de ne jamais perdre sa liberté au sein de ladite organisation.

El Mercenario est donc un western Zapata un peu anar' sur les bords, rafraichissant, drôle et impressionnant dans ses (nombreuses) scènes d'action ; autant dire un film comme on n'en fait plus.

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