The Immigrant : Critique

Chris Huby | 24 mai 2013
Chris Huby | 24 mai 2013

Les films de James Gray s'enchaînent sur les mêmes thématiques et pourtant leurs qualités ne faiblissent pas. The Immigrant vient donc poser une pierre de plus à l'œuvre déjà magnifique du réalisateur américain, ce qui ne cesse d'impressionner.

Au début du XXe siècle, Ewa (Marion Cotillard) émigre de Pologne avec sa sœur. À son arrivée sur le territoire américain, elle échappe de justesse à l'expulsion. Bruno (Joaquin Phoenix), un souteneur ambigu, lui propose son aide. Ewa est alors utilisée comme divertissement pour les plus riches et finit bientôt par se prostituer, sur les bons conseils de Bruno. Le cousin de ce dernier va tenter de la sortir de là.

C'est avec ce principe de départ relativement simple que Gray développe toutes ses obsessions personnelles. Issu lui-même de l'immigration ukrainienne, le metteur en scène raconte la survie de son héroïne immigrée au sein d'un théâtre érotique du Lower East Side - et à travers ça, l'histoire de sa propre famille. À cette époque, le quartier est misérable. Les flics y sont corrompus et la désespérance pousse chacun à se servir de l'autre.

 

 

La manipulation et la trahison ont déjà fait le cœur des sujets de The Yards et de La nuit nous appartient : au sein d'une même famille, le frère dénonce le frère, la mère écrase le fils, le père est tué par le fils... On retrouve dans The Immigrant des idées bibliques similaires, bien que pour la première fois le sujet se focalise autour d'une femme déchirée entre plusieurs univers et qui n'arrive pas à faire ses choix. Gray réutilise les mythes anciens et construit une nouvelle fois son film comme un opéra. Influencé cette fois-ci par Puccini, le mélodrame déroule une fable qui va lorgner vers le cinéma américain des années 30 dans lequel Greta Garbo et Bette Davis campaient des femmes bien solides, mais au fond qui se révélaient brisées par un système social machiste et dévastateur.

 

 

Marion Cotillard incarne avec talent et précision son personnage, jouant notamment avec son grand regard qui rappelle l'utilisation que les comédiennes en faisaient dans le cinéma muet. La froideur et la distance entretenues par son rôle contraste avec la violence et la couardise des autres personnages. Joaquin Phoenix et Jeremy Renner composent effectivement une parfaite fratrie symbolique qui se déchaine autour de la belle. L'un est macro, l'autre est magicien. Chacun a donc ses artifices. On y devine les deux versants complémentaires de l'Amérique du mensonge, à savoir l'illusion et la réalité.

 

 

D'une facture classique, la mise en scène est d'une élégante sobriété proche de celle de The Yards, d'autant plus que la photo signée Darius Khondji nous rappelle ce film-là. Jouant sur un expressionnisme ocre pour ne pas dire sépia, Gray nous offre une atmosphère pesante, picturale et infernale, chargée en ombres et en décors lourds de sens. De la prison au théâtre, de l'appartement aux rues étroites, tout vient écraser les différents protagonistes de cette histoire. Aucune échappatoire ne semble se proposer à eux, seuls des couloirs rigides et des pièces minuscules accueillent les drames qui se jouent autour de la jalousie et de l'envie.

 

Résumé

James Gray reste l'un des conteurs modernes les plus talentueux, un auteur qui entretient le classicisme plutôt que le combattre. Avec son cinquième film il suit donc la ligne droite de son cinéma. Il est évident qu'avec The Immigrant il risque d'agacer par la narration et le style que l'on connait par cœur chez lui. Manque de renouvellement peut-être, « défaut » très visible au sein d'une sélection cannoise 2013 originale et de haut vol, il faut surtout y voir la continuité d'un travail de maître logique et soutenu,  initialement entamé avec Little Odessa.

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