Critique : La Belle endormie

Sandy Gillet | 10 avril 2013
Sandy Gillet | 10 avril 2013

Le cinéma italien va mal à l'image de ce film signé Marco Bellocchio dont le titre ne semble annoncer rien de bon ni affirmer autre chose. Comme si de l'autre côté des Alpes on s'était endormi sur les lauriers d'un héritage certes glorieux mais qui prend malheureusement de plus en plus la poussière. Alors oui de temps à autre nous parvient un rugueux et indispensable A.C.A.B. ou un merveilleux et onirique Solitude des nombres premiers mais qui sont malheureusement noyés dans un flot de productions allant de la veine néo polar plus ou moins initiée par le déjà daté Romanzo Criminale à des comédies ou drames de sociétés très vite oubliables (La nostra vita, Scialla, Terraferma, Reality... pour ne citer que les plus récents) sans oublier quelques réalisateurs internationalement connus mais en roue libre comme les frères Taviani (César doit mourir, Ours d'or famélique), Nanni Moretti (Habemus Papam dont le seul mérite aura été de prédire l'avenir), Bernardo Bertolucci dont le pathétique Moi et toi n'aura été découvert que lors du Festival de Cannes 2012 ou bien encore ici avec cette Belle endormie qui se veut un récit choral autour d'un fait politique et social saillant dans l'Italie d'aujourd'hui.

Plus précisément le film de Bellocchio a pour cadre l'affaire dite Eluana Englaro, de cette femme euthanasiée à la demande de son père après dix-sept ans de coma suite à un accident de voiture, qui a déchiré la société italienne. Sur 24h, alors que le sort de la jeune femme est sur toutes les lèvres, Bellocchio choisit de suivre quelques personnages touchés chacun à leur façon par ce choix de conscience à faire qui met en jeu convictions, moralité, humanité et croyances religieuses. Si l'angle d'attaque est très intéressant car il permet de traiter par le flanc un sujet certainement encore à vif chez nos voisins italiens puisque Eluana Englaro est morte le 3 février 2009 des suites de la cessation de toute alimentation, il est indubitablement affadi par une mise en scène pataude, sursignifiante qui tue dans l'œuf toute émotion pour finir par brouiller définitivement les intentions premières du cinéaste. Ce qui tend aussi à achever le projet c'est la direction d'acteurs qui en font tous des caisses à commencer par notre Isabelle Huppert nationale en actrice déclinante (dans le film il va sans dire) qui ne peut se résoudre à ce que l'on « débranche » Eluana, elle qui vit avec sa fille plongée depuis des années dans un coma irréversible.

Sans compter que certaines histoires ne nous épargnent rien, comme celle de ce médecin qui se met en tête de sauver une femme suicidaire et camée jusqu'aux yeux. Le propos est là aussi vertueux mais il est complètement annihilé par une mise en images aussi improbable que de plomb. Comme si le cadreur avait eu les deux mains menottées dans le dos avec pour seule consigne de faire des zooms par la seule force de sa volonté. On est bien loin du premier long de Bellocchio et accessoirement son chef-d'oeuvre Le poing dans les poches tant dans le discours politique sibyllin et rageur que dans l'épure radicale de la réalisation. Une parenthèse enchantée d'un autre temps au sein d'une filmo au final assez cohérente qui trace sa route à la manière d'un panzer sans équipage.

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