Critique : 11.6

Sandy Gillet | 3 avril 2013
Sandy Gillet | 3 avril 2013

Philippe Godeau est un vieux de la vieille et un sacré touche à tout. D'abord distributeur avec la Pan-européenne qu'il crée à la fin des années 80 devenu aujourd'hui Wild Bunch distribution, il se lance quelques années plus tard dans la production avec à son actif quelques films emblématiques comme Le garçu, Le huitième jour, Baise-moi ou plus dans l'air du temps avec C'est la vie, Monique, Mauvaise foi, Les émotifs anonymes ou encore économiquement ambitieux tels que furent Largo Winch et Mr Nobody. Il a depuis 2009 et sa première réalisation Le dernier pour la route rajouté une nouvelle corde à son arc qu'il persiste à bander avec 11.6 où l'on retrouve une deuxième fois François Cluzet. Films au passage dont il est le producteur et dont Wild Bunch assure la distribution. Comme dirait l'autre, on n'est jamais mieux servi que par soi-même.

Au sein de cette bulle un peu ouatée où l'on retrouve la même co-scénariste ou le même monteur, 11.6 semble aussi reprendre le même arc thématique : un homme qui encaisse les humiliations au quotidien de la vie pour finir par se révolter. Dans Le dernier pour la route cette révolte passe par l'acceptation de sa condition d'alcoolique lors d'une cure de désintoxication qui va lui permettre d'entrevoir une nouvelle vie. Dans 11.6 il va s'agir de détourner sans violence un fourgon blindé avec à son bord 11,6 millions d'euros pour mieux se venger d'une hiérarchie et d'une condition humaine qu'il considère par trop injuste et inégalitaire. C'est en tout cas la version intime de Godeau qu'il donne à l'affaire dite Toni Musulin, convoyeur de fonds qui s'est rendu à la police quelques jours après son casse spectaculaire. Encore aujourd'hui en prison, l'homme garde avec lui le secret des 2,5 millions d'euros restés introuvables. Cluzet aborde son personnage - un homme taiseux, sans histoires et surnommé « la pince » par ses collègues pour son côté assez pingre - d'une manière frontale, tout en muscles et avec beaucoup de déterminisme et de sûreté dans son jeu. Sans lui, le film sombrerait très vite dans une sorte de reconstitution fictionnelle façon Enquête exclusive. Il arrive à donner aux nombreux plans sans dialogue un sens et une résonnance cristalline quant à la direction qu'il veut imprimer à cet homme dont le mystère est pourtant à peine écorné.  

Bien entendu la direction d'acteurs doit y être pour quelque chose. Pour le reste Le dernier pour la route avait une profondeur de mise en scène (entendre par là, une ingérence formelle qui ne faisait pas que suivre l'adaptation assez plate d'un bouquin expiatoire) que l'on ne retrouve pas ici. Godeau est en effet tellement fasciné par son acteur et son alter ego de réalité-fiction qu'il semble avoir oublié en route de prendre du recul et d'insuffler à ses cadres et son montage autre chose qu'une grammaire visuelle désincarnée. 11.6 n'apportera de fait aucun enseignement patent. On sait que Cluzet est un grand acteur et que Musulin est perçu comme une sorte de Robin des bois des temps modernes. Par contre, on ne sait pas si l'homme a pu voir le film. Si c'était le cas un entretien post visionnage en bonus du futur Blu-ray donnerait peut-être alors du sens à tout cela.

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