40 ans mode d'emploi : Critique

Sandy Gillet | 13 mars 2013
Sandy Gillet | 13 mars 2013

Judd Apatow est un cinéaste méconnu en France. Certains diront que c'est le juste revers d'une médaille où il est par ailleurs surestimé et encensé par une bonne partie de la critique hexagonale. En fait 40 ans mode d'emploi n'est que son quatrième film derrière la caméra. La majeure partie de son temps professionnel, il le consacre au métier de producteur qui lui permet de mettre en valeur de nouveaux talents comiques (le dernier en date fut Mes meilleures amies) ou de surfer à contre-courant du genre phare actuelle qu'est la comédie romantique (5 ans de réflexion). Une façon pour lui de puiser son inspiration et/ou de recharger les batteries entre chaque réalisation ? Certainement. Et de constater qu'en quatre films le cinéaste a beaucoup évolué. De la comédie borderline, foutraque, mal embouchée, drôle mais pas toujours (40 ans toujours puceau, En cloque mode d'emploi), on est passé à une sorte d'imprimatur décomplexé et contradictoire d'une psychanalyse par le cinéma.

 

 

C'est d'ailleurs bien ce qui agace les détracteurs du cinéma d'Apatow. Cette volonté superficielle de se mettre forcément à nu pour traiter de situations a priori ordinaires. Ou ici de parler de son couple et de ses enfants en les utilisant littéralement puisque Leslie Mann qui incarne Debbie est l'épouse du cinéaste dans la vraie vie. De même que les filles du couple à l'écran sont les enfants de Judd Apatow. Un voyeurisme quelque peu pornographique qui peut provoquer le rejet alors qu'en fait Apatow continue de régler ses comptes avec l'intelligentsia de tous bords et sa timidité maladive.

 

 

En ce sens 40 ans mode d'emploi assassine certaines vacuités cinématographiques érigées en dogme social au sein de la petite bourgeoisie hollywoodienne. Il laisse voir non une famille recomposée ou éclatée, des hommes ou des femmes obsédés par leur libido et qui se font châtier, mais un couple qui s'échine à garder le cap au quotidien tout en essayant de ne pas perdre le fil avec leurs enfants. On est dans le vif du sujet et pas de glamour ici. Mais c'est aussi un film avec sa mise en scène fluide et aérée (en gros on ne « voit » jamais la caméra), ses dialogues qui font souvent mouches (la « Apatow Touch ») et qui font sens dans une histoire loin de faire du surplace.

 

 

Point de caricature donc. On est dans la subtilité brillante et nombriliste. Apatow nous parle de lui, de ses interrogations quant au sens à donner à tout cela et nous on est content de ne pas être à sa place... le temps d'un film certes peine à jouir de par sa durée excédant (une nouvelle fois) les deux heures mais jubilatoire de bout en bout. C'est que le ton y est juste et cruel comme la gueule que l'on peut avoir au réveil. La vérité y est merdeuse à l'image de Pete, le mari interprété par Paul Rudd, qui préfère jouer aux chiottes avec son Ipad et son odeur plutôt que d'affronter les réalités de son quotidien. Et le drame n'est jamais très loin de la comédie qui peut-être « slapstick » ou de situations ou les deux en même temps. L'humour est noir, souvent déprimant et par moment de mauvaise foi. Et quand certaines scènes mélangent tous ces ingrédients en même temps les neurones fondent de plaisir.

 

Résumé

On reste surpris qu'un tel mélange et une telle richesse n'aboutissent pas à un film foutraque et sans rythme. Tel un véritable chef d'orchestre démiurge Apatow ordonnance tout cela à la baguette donnant à son dernier né cinématographique des allures d'un géant celluloïd arrogant mais fragile. La définition même de l'artiste ?

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