Intuitions : critique

Guillaume Meral | 13 mars 2013 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Guillaume Meral | 13 mars 2013 - MAJ : 09/03/2021 15:58

S’insérant dans le contexte d’un néo-fantastique épuré, inauguré par le carton mondial de Sixième sens au box-office, Intuitions s’impose comme une expérience inédite pour son Sam Raimi, qui signait ici son retour au genre sous les auspices d’un classicisme en trompe-l’œil. 

Un traitement conditionné par l’excellent scénario de Billy Bob Thorton, dont l’ancrage dans une réalité mélancolique (les recoins oubliés du sud profond des Etats-Unis et les conditions de vie difficiles de ses habitants) façonne une filiation au genre fondée selon des élans disruptifs venant perturber le quotidien de ses personnages. Ou plutôt de son héroïne, jeune veuve survenant aux besoins de ses trois enfants en utilisant ses dons de médium pour tirer les cartes aux habitants. Lorsque l’une des héritières les plus en vues du comté disparaît, la sollicitation de son pouvoir par les autorités va provoquer une accentuation de ses prémonitions, dont l’origine va la mener vers une vérité qui l’amènera à questionner son propre statut pour mieux l’accepter.

 

photo, Cate Blanchett

 

Il est intéressant de constater qu’Intuitions survient dans la filmographie de son réalisateur après la réalisation d’Un plan simple, polar sous influence des frères Coen qui manifestait la volonté du cinéaste d’explorer un style visuel plus effacé. Comme si le désaveu public de la sublime hyperbole Mort ou vif l’avait convaincu de changer son fusil d’épaule en somme, et décidé à construire son point de vue en distillant au compte-gouttes ses figures de style. De fait, le film semble aux premiers abords résolu à aborder sur un mode mineur les pouvoirs de son personnage principal (superbe Cate Blanchett), aussi bien médium que psychologue ou conseillère pour les personnes venant lui parler.

 

photo, Keanu Reeves

 

En positionnant ainsi son héroïne comme épicentre accidentel du folklore local, tout en centrant sa narration sur le parcours initiatique qui la mènera à accepter les implications de son don et le rôle pivot qu’elle est appelée à jouer dans la communauté, Intuitions se positionne au plus près de ses personnages pour mieux transgresser par à-coup la normalité du contexte dépeint. Un parti-pris accentué par une structure scénaristique volontairement lâche, notamment dans une deuxième partie épluchant le quotidien du personnage comme autant de tranches de vie perturbées par ses aptitudes extra-sensorielles et les charges qu’elles engendrent (bref, Spiderman avant l’heure. Vous avez dit cohérence ?).

 

photo, Greg Kinnear, Katie Holmes

 

A cet égard, le souci constamment renouvelé de Raimi de ménager ses effets s’avère d’autant plus payant que le cinéaste parvient par le biais du découpage à insuffler un vent d’onirisme et d’étrangeté (en dehors des visions de Blanchett) prégnant sans jamais déployer un formalisme susceptible d’empiéter sur la description communautaire. Ainsi, ceux qui accusaient le réalisateur de borner sa mise en scène à des effets tape-à-l’œil de fête foraine en seront pour leur frais devant une science du cadre révélant paradoxalement sa puissance d’évocation à l’aune de la parcimonie toute neuve de sa mise en scène. Des séquences comme l’introduction du personnage de Keanu Reeves, caractérisé avant même que son visage ne soit dévoilé à l’écran, revendiquent l’empreinte de leur auteur, qui entérine avec ce film étrangement son statut de conteur à part entière en s’effaçant derrière son sujet. 

 

Affiche officielle

Résumé

Un faux film mineur, mais une vraie œuvre charnière dans la filmographie de son génial réalisateur.

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