Möbius : Critique

Laurent Pécha | 27 février 2013
Laurent Pécha | 27 février 2013

Avant d'être un remarquable film d'espionnage doublé d'une touchante histoire d'amour -ou l'inverse - Möbius , c'est le double retour de deux figures du cinéma français. D'un côté, celui de Jean Dujardin qui étrenne là son statut d'acteur à Oscar glané avec The Artist l'an dernier.  De l'autre, celui d'Eric Rochant, réalisateur éminemment précieux que l'on n'avait pas revu au cinéma depuis L'Ecole pour tous (soit plus de 6 ans). Une rencontre au sommet à laquelle vient se joindre un troisième larron essentiel à la réussite, Cécile de France. Et ce beau petit monde de s'embarquer sur les traces du meilleur film à date de Rochant, le génial et essentiel Les Patriotes.

 

 

Marqué durablement par l'échec aussi cuisant qu'injuste de son film sur le Mossad, Eric Rochant semble  traîner depuis 20 ans un vrai manque. Signant des œuvres indignes de son potentiel (à l'exception de son jouissif et supra sous-estimé Total western), développant des projets ambitieux que d'autres finiront par faire autrement à « sa »place (Les Femmes de l'ombre), trouvant refuge à la télévision (la saison 2 et 3 de Mafiosa, série qu'il booste totalement), Rochant donnait presque l'impression d'attendre,  vainement, l'occasion de refaire le coup des Patriotes. Et Möbius, dont l'idée de scénario date de plusieurs années, de lui en offrir enfin l'opportunité.

 

 

Sauf que  l'ambition et les désirs du cinéaste ont évolué au point d'aller se focaliser au fil d'une intrigue à double, triple tiroirs (un film d'espionnage quoi !) sur la naissance d'une déchirante histoire d'amour (maudite ?). Et le film de prendre alors les allures d'une variation assumée et revendiquée du film d'Hitchcock, Les Enchaînés. En Cary Grant et Ingrid Bergman moderne, Jean Dujardin et Cécile de France, aussi beaux que parfaits, jouent à un jeu de la séduction extrêmement sensuel  où les regards prennent une importance capitale, à l'image de cette superbe scène de séduction dans la boîte de nuit. Bien décidé à en faire le cœur de son récit, Rochant suspend le temps lors des séquences intimes, crée un érotisme qui est tout sauf gratuit et réussit l'improbable exploit de nous faire croire à leur histoire. Et le monsieur y parvient tout en continuant à jongler avec les aléas de son intrigue d'espionnage dont l'une des figures de proue n'est autre qu'un tétanisant « bad guy » interprété par Tim Roth -aka l'art de faire passer tout la psychologie de son personnage en un haussement d'épaule-.

 

Résumé

Soignant sa mise en scène comme peu savent le faire en France - la classe folle de la séquence de l'hélicoptère se posant sur le yacht -, distillant des scènes aussi bien musclée (un combat éclair dans un ascenseur) que tendue à l'extrême (un échange téléphonique dans la voiture sous haute surveillance), Eric Rochant retrouve, avec Möbius, l'ambition et la maîtrise d'antan. Un retour en force dans le paysage cinématographique français que l'on espère pérenne.  

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