Critique : La Parade

Nicolas Thys | 9 janvier 2013
Nicolas Thys | 9 janvier 2013

A l'exception de la filmograpgie de Kusturica, les films issus des pays des l'ex-Yougoslavie sortis en France sont souvent reliés à la guerre, à des drames sordides et à des sujets mémoriaux qui ont trait à un passé proche comme pour expurger les crimes commis quelques années plus tôt. La situation politique actuelle est rarement commentée et les touches d'humour sont trop rares. C'est donc avec une joie non dissimulée qu'on accueillera La Parade, sixième film de Srđan Dragojević et le deuxième seulement à sortir en France.

Découvert à Berlin en 2012 où il a remporté trois prix, La Parade sort en France au moment le plus opportun puisque depuis quelques mois les médias font leur une autour du mariage gay et des droits homosexuels quand le film aborde de front la question dans une Serbie ravagée par un nationalisme omniprésent où les minorités sont de fait dérangeantes. Chaque manifestation, à l'image de la dernière séquence, tournée pendant la première véritable gay pride de Belgrade 2010, où quelques centaines de participants ont dû être encadrés par plusieurs milliers de policiers à cause des quelques 6500 hooligans néo-nazis, skinhead ou groupuscules ultraviolents qui les ont attaqué sans relâche.

La question de savoir comment faire un film sur un sujet aussi délicat voire tabou était un vrai défi à relever pour ne pas tomber dans le documentaire, le sentimentalisme à outrance, l'horreur crue qui sert déjà de réceptacle aux films sur la guerre ou la mièvrerie. Le cinéaste s'en sort brillamment en choisissant plusieurs pistes et en les faisant tenir pendant une heure et demie sans jamais en perdre une seule en route. Déjà l'histoire est simple mais viable : un criminel notoire et violent aux relents nationalistes en voie de mariage, et dont le chien est l'ami le plus fidèle, va devoir aider une association gay à pouvoir manifester sans se prendre de coup. On est là en face du fameux clivage homo/homophobe. Et si le réalisateur joue sur les clichés gays, il en va de même sur les stéréotypes homophobes qu'il réunit dans une célébration commune et cinéphile de Ben-Hur tel que décortiqué il y a une quinzaine d'années dans The Celluloïd closet de Rob Epstein et Jeffrey Friedman. Entre les visions machos viriles de l'amitié et l'amour passion, la limite est étroite.

Mais il mêle lui aussi les souvenirs de guerre à cette comédie dramatique. La guerre elle-même ? On ne la voit pas. Ou peu. Elle se résume à un homme qui n'arrive pas à aller aux toilettes car un autre lui tire dessus jusqu'au moment où ils deviennent amis. Malgré les considérations nationalistes, les gens qui ont fait la guerre peuvent entretenir de longues amitiés et se retrouver sur des chemins inattendus, d'où cette magnifique séquence road-movie interculturel qui vient en échos de la présentation des mots argotiques pour désigner les habitants de chaque pays du début du film.

En s'amusant à entremêler plusieurs genre dans une farandole cinéphile, sans jamais céder ni au rire franc ni au larmoyant mais en naviguant des deux côtés de la frontière sans se laisser emporter, il parvient à réaliser un film à la fois politique et engagé, avec un côté absurde appréciable qui fait passer sans problème les points qu'on pourrait considérer comme faible comme le changement aussi radical et soudain du criminel principal. La forme est à la fois celle d'un conte empreint de naïveté et celle d'un pamphlet en faveur de la liberté individuelle et le mélange des deux ne provoquent qu'une envie : se lever pour aller les aider. C'est donc une réussite même si le problème dénoncé est encoe loin d'être réglé dans les Balkans.

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