Les signes étaient pourtant annonciateurs d’un long-métrage tout en délicatesse : titre de série B déviante (ajoutez Preacher en fin pour la version originale), promotion truffée de symboles divins et de poses viriles, vedette cataloguée référence bovine à travers le système solaire… Marqué du sceau « historiquement véridique » et tenu par un metteur en scène à la filmographie pour le moins inégale, rien ne préparait vraiment dans le fond à ce qu’est Machine Gun de son premier à son dernier photogramme : une mesure référentielle de l’extrémisme bien-pensant, doublée d’une fascinante infâmie narrative.
Violent, machiste, impulsif et raciste, Sam Childers s’avère être un ex-taulard plutôt antipathique qui frôle gentiment la caricature. Sauf que Sam a rencontré Dieu après vingt minutes de film, ce qui lui permet de s’autoriser toutes les folies, comme de devenir un bon père de famille, respectueux du corps de sa femme et enragé face à la plus petite injustice qui aura le malheur de croiser son chemin. Avec un sérieux détonnant, Marc Forster voudrait nous faire gober la couleuvre sans broncher, quitte à intensifier les facilités du même genre au fil des deux longues heures du récit.
Sauf qu’au lieu de s’en retrouver les pupilles mouillées, on s’en gausse jaune, doucement terrifié par le premier degré très pieux du traitement. Et puisque l’engagement divin du personnage vire progressivement à la folie revancharde, les diverses évangélisations, prières sanctifiées ou remontrances spirituelles vont en se multipliant, dans un élan qui frôle le terrorisme monacal. On assiste ainsi à une redéfinition permanente de la compassion bon marché sous toutes ses formes, traversant ici chaque ligne de dialogue, chaque situation, chaque relation entre personnages et surtout chaque effet de mise en scène, dans un rapport malsain du réalisateur à son sujet.
Car Machine Gun est, en dépit de ses pieuses intentions, un film qui pêche par ses excès. Marc Foster n’entretient avec son personnage aucun recul critique, se montre incapable de lui accorder la moindre ambiguïté, allant jusqu’à faire de sa folie des causes perdues une grandeur d’âme malade. Pire, il n’épouse pas l’extrême ferveur de son protagoniste pour asseoir la crédibilité de son récit, mais plutôt pour donner du poids au moindre de ses actes, comme si illuminé par Dieu le personnage se révélait être soudain porteur d’une vérité irréfutable. Il donne en cela raison à des années d’évangélisation sauvage et d’ethnocentrisme naïf avec une assurance à la fois arrogante et idéologiquement douteuse, ce qui s’avère être embarrassant dans le contexte d’un sujet aussi délicat. Dans la même optique, les atrocités vécues par de nombreux innocents sont dramatiquement surlignées, musique et regards émus à l’appui, alors même que la tragique véracité des faits aurait suffit à bouleverser jusqu’à la plus sceptique des audiences. Mais le réalisateur et son équipe se pensent immunisés par les quelques statistiques qui clôturent le film, morceaux de vrai noyés dans une immense mare de manichéisme.
Alors c’est à ça que ressemble un drame inspiré d’une histoire vraie avec Gerard Butler ? Beaucoup de prêche, un peu gênant, pas bien malin, mais assez Gibsonien chez ce personnage obsessionnel et hanté par sa propre violence (qu’il canalise comme il peut).