Critique : Rengaine

Louisa Amara | 15 novembre 2012
Louisa Amara | 15 novembre 2012

Rachid Djaïdani, qu'on connait surtout comme comédien, devient réalisateur après 9 ans et 200 heures de rushes, d'un film « uppercut ». Ce mot, c'est le sien, il affectionne la boxe, et c'est sans doute le fil rouge de Rengaine, un film qui cogne, touche, surprend durant 1h15. Jamais on a approché d'aussi près la vérité d'un sujet, d'une réalité, aussi vraie aujourd'hui qu'il y a un siècle : l'intolérance entre les peuples, les cultures. Oui, en France, au 21e siècle, des jeunes se rejettent, par tradition millénaire, des jeunes qui ont reçu une éducation, savent lire et écrire, sont informés, et cultivent la pire des hypocrisie : côtoyer, travailler, être amis avec des gens d'une autre couleur, d'une autre culture, religion, mais les rejeter dès qu'ils s'approchent de leurs sœurs, de leurs filles etc. Pourquoi ? C'est la tradition, l'honneur de la famille et tous ces grands mots qui veulent tout et rien dire. 

C'est l'histoire que vit Sabrina, arabe/beurette/maghrébine, comme vous voulez, l'héroïne, solaire et déterminée, amoureuse de Dorcy, le renoi, l'africain, qui devra lui aussi convaincre sa famille. Saluons la performance des acteurs, du premier au dernier rôle, tous au diapason. Avec cette équipe prête à tous les défis, le réalisateur tente l'impro et révèle des scènes criantes de vérité. Loin du pathos, Rachid Djaïdani fait de l'humour, de l'absurde des situations, une arme de persuasion massive bien plus efficace que tous les discours moralisateurs. Il nous mène par le bout du nez, nous fait croire à un enchainement de violences qu'on aurait vu 1000 fois dans 24, où l'arabe est souvent le grand méchant loup, pour mieux jouer de nos attentes, de nos certitudes. La mise en scène, tout en caméra à l'épaule, donne un rythme et une fraicheur adaptés au sujet. Son expérience du docu paye, espérons qu'il la gardera pour ses prochains films.

Neuf ans que Rachid Djaïdani fait et défait ses scènes, ses rushes pour en tirer la substantifique moelle, qui fait de Rengaine le bijou brut qui a été récompensé à Cannes, à Bordeaux etc. Neuf ans que je cache à ma famille l'homme que j'aime, parce qu'il n'a pas la même couleur, la même culture, la même religion. Dieu sait si ce film m'a prise aux tripes. Le hasard a voulu que je croise une partie de l'équipe près de la gare au festival de Cannes, une équipe soudée et très ouverte au dialogue. Au nom de tous ceux qui vivent la même situation et se taisent en attendant des jours meilleurs, parce qu'il vaut mieux vivre caché, je les ai remercié « merci, ça fait neuf ans que j'attendais un film comme ça, qui décrit ce que je vis, ce qu'on vit. Et bravo. Maintenant il faut le montrer au plus grand nombre, et à mes parents !». Merci Rachid, Sabrina, Stéphane, Slimane et tout l'équipe de Rengaine.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire