Critique : Quelques heures de printemps

Sandy Gillet | 19 septembre 2012
Sandy Gillet | 19 septembre 2012

Avec Quelques heures de printemps Stéphane Brizé semble passer à la vitesse supérieure. Son cinéma fait jusqu'ici de morceaux de vies en apesanteur qu'il faut contrarier pour en obtenir une nouvelle trajectoire forcément plus cinégénique se transforme sous nos yeux en quelque chose de plus terrien et de moins manipulateur. Comme si le cinéaste certes talentueux, composait enfin avec l'homme derrière la caméra, sans affects, sans afféteries. D'aucuns appelleraient cela la maturité, nous on préfère y voir une nouvelle façon plus intime de traiter son sujet de prédilection : les relations entre hommes et femmes.

Elle est d'ailleurs double ici. Il y a d'abord ce fils de près de 50 ans qui est obligé de revenir habiter chez sa mère après avoir purgé une peine de prison. Une cohabitation compliquée qui fait ressurgir les fantômes d'un passé fait de heurts et d'incompréhensions mutuelles. Il y aussi la rencontre avec cette femme (petit rôle très émouvant d'Emmanuelle Seigner) à qui il refuse tout abandon et finalement tout amour. Cet homme c'est le magistral Vincent Lindon qui revient dans un film de Brizé après Mademoiselle Chambon. On le retrouve tout aussi mutique même s'il peut ici polir les bords de l'écran dans des accès de rage et de colère dévastateurs à l'encontre d'une mère chevillée au corps dans ses habitudes de femme restée depuis longtemps célibataire. Cette veuve est jouée par la trop rare Hélène Vincent que la plupart connaisse sans parvenir à mettre un nom pour son interprétation complètement azimutée en Marielle Le Quesnoy dans La vie est un long fleuve tranquille de Chatiliez. Il est indéniable que Brizé a su ici créer une alchimie fusionnelle entre ces deux acteurs à la palette de jeux infinie et exaltante. Un constat accentué par la seconde partie de l'histoire où le fils apprend la maladie incurable de sa mère et de sa décision de ne pas attendre pour mourir.

Point de pathos, pas de séquences larmoyantes. Jusqu'au bout Brizé aura tenu à maintenir son film à gué lui évitant l'écueil d'une critique qui aurait pu lui reprocher une fascination morbide forcément plombante. Un traitement qui lui donne toute latitude de mener à bien l'autre sujet de son film. Celui qui lui tient véritablement à cœur et qui le fait rentrer définitivement dans la cour des grands. Sans défendre aucune thèse, sans même se montrer légitime pour donner son avis, le voici pourtant en eau limpide menant sa barque avec délicatesse mais précision, avec force de conviction mais avec beaucoup de tact. À l'image de cette femme tendue vers cet acte final qu'elle veut finalement comme un cri désespéré d'amour à l'égard d'un fils qu'elle n'a pas su aimer.

Tout le cinéma de Brizé est dorénavant là. Niché dans la conviction forte de regarder son public droit dans les yeux non pour le soumettre mais pour l'emmener vers les rivages encore vierges d'un cinéma au souffle de vie rare.

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