Critique : The Deep blue sea

Perrine Quennesson | 20 juin 2012
Perrine Quennesson | 20 juin 2012
« L’amour c’est l’absolu, c'est l'infini ; la vie, c'est le relatif et le limité. De là tous les secrets et profonds déchirements de l'homme quand l’amour s'introduit dans la vie. Elle n'est pas assez grande pour le contenir. » Cette citation de Victor Hugo extraite de Moi, l’amour, la femme semble convenir à cette nouvelle adaptation de la pièce de Terence Rattigan par Terence Davies.

 

The Deep blue sea semble, de prime abord, assez usé: Hester (Rachel Weisz) est mariée à un vieil homme ennuyeux mais bien sous tous rapports, William Collyer (Simon Russel Beale) mais, en parallèle, elle vit une passion dévorante avec Freddie Page (Tom Hiddleston), un jeune et élégant ex-pilote de la Seconde Guerre Mondiale. Un triangle amoureux d’une apparente banalité. De même la mise en scène très classique semble apporter un vernis lisse à cette histoire sans âge. Mais sous cette couche étouffante se joue un drame pas si simpliste.

The Deep Blue Sea, c’est d’abord un film sur une époque : le Londres des années 50. Un Londres marqué par les outrages de la guerre, partagé entre deux époques. Toujours engoncé dans des valeurs et des traditions d’un autre âge qui ont été balayées par les horreurs de la guerre. Celle-ci a changé en profondeur les mentalités. Mais avant d’en arriver au Swinging London des sixties empreint de liberté et de révolution sexuelle et culturelle, Terence Davies filme ici les années 50 où ce changement est sous –jacent et s’opère lentement. Une période en demi-teinte où il est difficile de trouver des repères. Un intervalle trouble où le présent est nostalgique d’un passé sacrifié. Terence Davies le met d’ailleurs parfaitement en scène dans deux séquences qui se font écho : dans l’une, toute la clientèle d’un pub entame une chanson que, dans l’autre, des londoniens entonnaient en se cachant des bombardements pendant la guerre.

Hester en est la métaphore. Elle aussi est entre deux eaux. Entre le confort bourgeois ennuyeux et l’insécurité excitante de la classe moyenne en éclosion. Elle a fait le choix de ne plus de vivre par convention mais par passion, sa seule loi : celle du cœur. La confrontation entre elle et sa belle-mère en est d’ailleurs un brillant exemple : deux conceptions, avant et après guerres, opposées, deux époques qui s’insupportent. Plusieurs fois, Hester refusera de retourner auprès de son mari qui lui promet une vie où elle ne sera jamais dans le besoin et où elle sera aimée. Elle préfère se laisser emporter par son inextinguible désir pour cet homme qui éveille en elle ce sentiment inconnu et ravageur : la passion.

Mais ce Freddie, beau comme un dieu et charmeur, s’avère finalement assez superficiel, ne vivant que sur la gloire de son brillant passé de soldat émérite : il ne peut aller de l’avant et reste coincé dans cette guerre qui est synonyme de ses plus belles heures à lui. Il n’est, et ne sera, jamais à la hauteur des sentiments d’Hester, ce qu’elle ne veut pas voir, ne peut pas croire. Elle se bat sans cesse, par déclarations, par cris, par menaces, pour obtenir de lui ce qu’elle elle éprouve à son égard ou ne serait-ce qu’une preuve, un geste, une attention. C’est ce qui, à la fois, la consume et la maintient en vie.

La mise en scène classique, lissée et maitrisée, qui montre l’enfermement d’Hester dans les conventions d’une société dépassée, tente de dompter un être dévoré par des émotions qui le submergent. Des émois tels que sa vie, limitée par l’époque et par les autres, ne peut contenir comme le dit Victor Hugo. Est-ce pour cela que notre héroïne décide d’y attenter dans la première scène du film ? Peut-être, mais par cette vaine tentative, par ses moments de stoïcisme ou de grandes hystéries, Hester montre juste qu’elle est perdue, sans repère. Car c’est une femme en avance sur son temps et, dont le drame est, qu’elle ne le sait pas.


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