Critique : 7 jours à La Havane

Sandy Gillet | 30 mai 2012
Sandy Gillet | 30 mai 2012

Projet ambitieux que ce film ! Non dans sa forme qui fut même un genre à part entière dans les années 60 et 70, mais plutôt dans sa géo localisation. Après Paris, New-York et Tokyo, c'est donc à la Havane que sept réalisateurs confirmés ou non ont décidé de poser leur valise le temps d'un court-métrage censé illustré une journée de la semaine au sein d'une ville desservie par de nombreux clichés qui ont fait aussi sa réputation internationale et construit son mythe. Outre ce fil rouge géographico-temporel, on retrouve dans 7 jours à la Havane quelques personnages récurrents qui vont et viennent d'un segment à l'autre mais aussi une thématique centrale à peine esquissée ici, matricielle là : le destin comme solution soluble dans cette ville de tous les possibles.

Alors bien entendu et c'est le propre de ce genre d'entreprise, difficile ne pas obtenir un film à géométrie variable où les trous d'air peuvent se succéder à des moments de grâce tout aussi violents. Le syndrome de la montagne russe en quelque sorte. À l'origine pourtant il y a Leonardo Padura, l'un des romanciers cubains les plus connus à l'étranger, qui fait office au générique de coordinateur du scénario. En fait il est l'auteur des quatre histoires sur les sept du film et a en intégré trois autres pour que se dégage une trame partiellement commune. En point de mire la volonté de raconter la Havane dans sa diversité sans occulter l'imagerie touristique : la décrépitude ambiante, les belles voitures américaines, les cigares, le Che, les magnifiques filles au corps de rêve prêtes à tout pour quitter l'île... Pari en partie gagné grâce justement à la différence de style de chacun des cinéastes qui ont adhérés au projet. Et tant pis si certains sont plus limités que d'autres. On pense au court-métrage de Benicio Del Toro qui introduit le film via ce touriste américain qui découvre la Havane pour la première fois en s'enivrant de sa nuit où toutes les rencontres sont permises. C'est sympathique mais au final fort anecdotique. À la différence du segment signé Gaspar Noé qui lui a décidé de mettre en scène une sorte d'exorcisme censée « nettoyer » une adolescente de ses pulsions homosexuelles qu'il précède par une scène de danse à l'érotisme incroyable. Quinze minutes sans paroles accompagnées par une musique rythmique aux basses plus que généreuses, limite organique et une imagerie à nulle autre pareille comme seul le réalisateur français en a le secret. On ne le dira jamais assez Gaspar Noé n'est jamais aussi bon que quand il fait court. Carne restant encore à ce jour le meilleur film de sa filmo.

Il y a aussi le quatrième jour illustré par Elia Suleiman, qui de par sa mise en scène nonsensique et burlesque impose naturellement son physique un peu dégingandé dans cette Havane décatie. La profondeur de champ y est anormale, les lignes géométriques y sont claires, les personnes n'y sont que des silhouettes jusqu'à Fidel Castro que l'on voit en boucle à la télé, telle une figure de style récurrente propre au comique de répétition, donnant l'un de ces discours fleuves censés galvaniser son peuple bardé de privations. Le film se termine par le segment réalisé par Laurent Cantet. C'est le plus boursouflé mais aussi le plus généreux dans sa propension à vouloir dire beaucoup (trop) de choses en très peu de temps. Comme si cette ville ne voulait pas qu'on la quitte ainsi et ne pouvait être quittée autrement qu'avec regret.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire