Critique : Elefante blanco

Simon Riaux | 22 mai 2012
Simon Riaux | 22 mai 2012
L'Amérique du sud et ses bidonvilles n'accueillent pas seulement des gangs de bourrins tétant des stéroïdes en vu de préparer des casses dantesques, entre deux séances de démastiquage de crâne. Non, il y a aussi la misère, ceux qui en vivent, et ceux qui en combattent, dont les trajectoires se croisent souvent, s'entremêlent parfois. C'est à ses hommes prêt à sacrifier leur vie au service de cause plus grandes qu'eux-même (le quartier, le gang, le peuple, l'église) que s'intéresse Pablo Trapero avec Elefante Blanco.

Nicolas, jeune prêtre tout juste réchappé d'un traumatisant conflit amazonien, retrouve son premier confesseur, ami et mentor, le charismatique Julian, à la tête d'une communauté au bord du gouffre. Grâce à son engagement quotidien quelques 15 000 personnes sont réunies et maintenues dans un ordre social précaire, autour de l'Elefante Blanco, titan de béton à l'abandon, jadis érigé pour devenir le plus grand hôpital d'Amérique latine, devenu une cour des miracles en forme de poudrière, que se disputent gangs et potentats locaux, tandis que l'Église fait son possible pour améliorer le quotidien, lutte contre la corruption et fait son possible pour ne pas y céder. Nanti de ce point de départ ambitieux, Trapero fait heureusement montre d'une maîtrise technique à toute épreuve. C'est bien simple, de l'interprétation, en passant par les décors, la musique, la mise en scène et le montage, on aura bien du mal à pointer l'élément le plus réussi, tant il paraît évident que tous les acteurs du projet s'y sont lancés à corps perdus. Une synergie impressionnante lors des scènes pivot, où la foule devient un personnage à part entière, tandis que les personnages se voient confrontés à un chaos qui n'intervient jamais au détriment de la lisibilité ou de la narration.

Pour autant, il manque à Elefante Blanco quelque chose pour se muer en la claque phénoménale qu'il n'en finit pas de promettre, et qui pourtant n'advient jamais. La faute à un scénario qui souffre paradoxalement des mêmes qualités que les composantes techniques et esthétiques du métrage, à savoir une maîtrise et une précision (trop) chirurgicale. L'écriture aurait dû nous ménager des plages d'ambiguité, nous maintenir en haleine plutôt que de se préoccuper de maintenir un certain degré d'orfèvrerie. Par conséquent, il faudra un peu moins d'un quart d'heure au spectateur averti pour anticiper la quasi-intégralité des rebondissements, et deviner à l'avance comment vont évoluer les relations entre les personnages, au demeurant fort attachant.

On aurait pu aimer plus que de raison Elefante Blanco, mais sa conscience de son excellence le cantonne à la réussite, tout en lui interdisant de véritables fulgurances. Attention toutefois, si le résultat nous frustre, il demeure hautement recommandable, et d'une très haute tenue.

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