Critique : Mystery
Le réalisateur a pourtant bien des choses à dire sur les tropismes et vicissitudes d'un corps social unilatéralement dominé par les désirs masculins, où les hommes disposent des femmes à leur guise, les manipulent par vice, facilité ou désinvolture, jusqu'à leur faire commettre l'irréparable. On est dans un premier temps saisi par le portrait de ces deux familles que rien ne destinait à entrer en collision, jusqu'au décès mystérieux d'une jeune femme, qui fera éclater secrets et trahisons. Cette radiographie d'une société chinoise faussement apaisée, où colère bouillonnante et rancœur se dissimulent sous le masque du renoncement, nous saisit plus d'une fois par ce qu'elle révèle d'atavismes et de rapport de forces antédiluviens.
Malheureusement, la mise en scène de Lou Ye a bien du mal à accrocher son sujet, et si elle tente de faire naître l'ambiguité au détour d'un dispositif faussement sage, elle reste bien trop discrète pour nous permettre de plonger au cœur du récit. La fadeur du montage et de la photographie contrastent ainsi singulièrement avec quelques séquences plus évidemment cinématographiques, mais dont la maîtrise technique semble tout à coup hors sujet, terriblement pompeuse et emphatique.
On ressort de ce Mystery déçu par les promesses non tenues du scénario, et l'on peine à croire que le metteur en scène ait véritablement pris conscience des exigences formelles et rythmiques du thriller, qu'il passe son temps à esquiver inutilement, ou à prendre au pied de la lettre avec une naïveté confondante. Passionnant et glaçant sur le fond, la forme semble se refuser jusqu'au bout à épouser le premier degré de son sujet, à savoir l'écroulement d'une cellule familiale et l'enquête qui l'accompagne.
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