Critique : Marieke

Laure Beaudonnet | 27 mars 2012
Laure Beaudonnet | 27 mars 2012

A vingt ans, Marieke préfère les hommes d'un certain âge. Comprendre, l'âge de passer l'arme à gauche. Des rencontres qu'elle honore chaque fois d'un portrait morcelé, témoin d'une complicité éphémère. Un bout d'oreille, d'orteil ou de narine pour un puzzle amoureux qu'elle reconstitue lorsque le moral s'absente. Eduquée par une mère esseulée, Marieke oublie le décès violent de son géniteur dans les bras fripés de septuagénaires dont elle célèbre les imperfections d'un regard ingénu. Son quotidien dans une chocolaterie est aussi ennuyeux que son passe-temps marginal. Elle trouve donc réconfort en pimentant sa vie assommante d'ouvrière par une sexualité peu glorifiante, aux allures de "random sex". Ainsi le film de Sophie Schoukens se présente comme le voyage initiatique d'une post-adolescente dont les plaisirs de la chair font remonter le traumatisme de l'enfance. A partir de chaque contact physique fait-elle émerger la figure paternelle disparue.

Sans surprise, le cameraman des frères Dardenne, Alain Marcoen, offre plusieurs plans remarquables, entre réalisme et esthétisme. Formellement, le film est souvent très réussi malgré sa construction conventionnelle. Le rapport entre regardant et objet regardé déploie des instants lyriques, notamment le plan - pris par au-dessus - où Marieke dispose les morceaux d'hommes photographiés sur son lit. Mais sur le fond, l'opus enfonce des portes ouvertes avec le filon de la jeune fille au père absent qui cherche le regard d'hommes beaucoup plus âgés. Non seulement le concept est loin d'être inédit pour quiconque s'est un jour intéressé au complexe d'Œdipe, mais il est allègrement exploité, martelé tout le long du film. En témoigne l'usage des images du passé. Avec toute la meilleure volonté du monde, s'appuyer sur une unique idée laisse un goût maigre dans la bouche.

Difficile de s'identifier à un personnage qu'on ne suit pas jusqu'au bout. L'actrice a beau faire de son mieux en néo-Clémence Poésy, son personnage est distant, insaisissable. A trop vouloir lui dessiner une personnalité atypique, elle perd son ancrage dans le réel. L'intention est bien palpable, mais le film finit par impatienter son public.

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