Critique : 30° couleur
De toute évidence, Lucien Jean-Baptiste et son co-réalisateur Philippe Larue ont choisi d'offrir à leur récit un écrin sophistiqué et élégant, à la hauteur de ses thématiques et de portée qu'il cherche à atteindre. Si la comédie n'est jamais très loin, l'ensemble jouit d'une mise en scène et d'un découpage nettement supérieurs à la moyenne des productions françaises, nanti d'une photographie éclatante, qui multiplie les jeux et température de couleurs. On a parfois le sentiment que les Antilles, ses rues, ses façades, sa végétation, ses vêtements et carnations se livrent à nos yeux pour la première fois.
Tous les comédiens jouent parfaitement le jeu, sans tomber dans le piège attendu des portraits de communauté, à commencer par Edouard Montoute, qui parvient à ne pas noyer la finesse de son interprétation dans l'hystérie communicative de son personnage, ni les litres de rhum qu'il ingurgite. Hélas, le scénario est l'élément le moins abouti du film. Celui-ci contient presque deux récits autonomes, un drame social et intime d'un côté, une comédie de mœurs enlevée de l'autre, qui s'ils ne sont pas contradictoires, échouent à se faire progresser mutuellement pour finalement s'annuler l'un l'autre. Ces deux parties relativement réussies se parasitent et s'empêchent de trouver un véritable aboutissement, si bien que l'on rit trop peu dans la comédie, sans que les lignes de fracture de cette famille (dé)composée aient le temps de nous toucher véritablement.
Reste à 30° Couleur la formidable énergie de ses auteurs, une ambiance forte et des personnages enthousiasmants. Bien qu'il demeure imparfait et ne transforme pas tout à fait l'essai, le film demeure une excellente réponse aux interrogations qu'une certaine classe politique voudrait voir croître dans l'opinion, oubliant combien celle-ci est haute en couleurs.
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