Critique : Hasta la vista

Aude Boutillon | 6 mars 2012
Aude Boutillon | 6 mars 2012

Après le raz de marée Intouchables, nous étions bien en droit de serrer les dents à l'idée d'une nouvelle comédie débordant de bons sentiments mettant en scène un infirme au grand cœur. Oui, mais c'était sans compter sur la provenance de Hasta la Vista : les Flandres, cette douce contrée productrice de talents grinçants, incorrects et percutants. Voilà donc abordé de plein front le délicat sujet de la sexualité des handicapés, sous l'aune de la comédie, et loin du pathos qu'on ne pouvait que craindre.

Hasta la Vista a d'abord le grand mérite d'écarter tout misérabilisme, au moyen notamment d'un humour savamment dosé, bien moins présent qu'on ne s'y attendrait (en particulier au vu d'une affiche un brin potache, en décalage total avec le ton du film qu'elle illustre). Le film de Geoffrey Enthoven s'intéresse ainsi à une étrange clique composée de trois ados handicapés (deux en fauteuil roulant, le troisième armé de redoutables culs-de-bouteille), accompagnés malgré eux par une infirmière wallone généreuse, chauffeuse de fortune d'un road trip insensé : un voyage libérateur vers une maison close espagnole, destinée à libérer les jeunes d'une virginité encombrante.  L'occasion pour l'improbable bande de se prendre de douloureux vents de la part de jeunes filles effarouchées par ces freaks entreprenants, quand toutefois la réussite de l'un d'entre eux n'est pas anéantie par la jalousie mordante de son comparse moins chanceux.

Si certaines situations prêtent inévitablement à rire (on pense notamment à la catastrophique première nuitée en solo des jeunes hommes, trop fiers pour accepter l'aide de leur accompagnatrice), le ton de Hasta la Vista est assurément tendre, mais en aucun cas complaisant. Les péripéties du quotidien sont ainsi filmées avec beaucoup de retenue, les regards compatissants ou gênés interceptés, et les conversations dépouillées de tabous et de fausse pudeur. En ressortent des dialogues savoureux, parfois cruels, rendant justice à l'évidente alchimie liant des acteurs talentueux. Les badauds appâtés par l'atout sexe risquent toutefois d'être fort déçus à l'arrivée, puisqu'aux dires de son réalisateur, Hasta la Vista ne s'intéresse pas tant à l'objectif qu'au parcours de ses protagonistes. La sacrosainte perte de leur virginité se révèlera alors des plus anecdotiques, si ce n'est qu'elle offrira une scène tout en douceur, unique occasion pour nos héros de se retrouver débarrassés de leur infirmité.

Aussi touchant soit-il, Hasta la Vista, dont la réalisation ne marquera pas outre mesure les esprits, cède toutefois dans son dernier tiers à des ficelles peu subtiles, et vise l'émotion facile. On ne boudera toutefois pas notre plaisir face à cette comédie douce-amère dressant de biens jolis portraits, et l'évolution d'une amitié aussi singulière qu'universelle.

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