Critique : Bovines ou la vraie vie des vaches

Nicolas Thys | 22 février 2012
Nicolas Thys | 22 février 2012

Cette semaine ceux qui n'ont pas envie de voir le cheval excité par la guerre de Spielberg pourront se réfugier dans l'enclos serein des vaches normandes. Le film d'Emmanuel Gras impressionne et on devrait le rendre obligatoire aux habitants des villes de plus de 100 000 habitants. Déjà ça leur ferait quelques vacances, et ils verraient qu'une vache ce n'est pas steak dans un fast food mais un autre monde avec sa propre temporalité, longue et lente et son propre espace, redondant et plus étroit.

Bovines est un film pour ceux qui savent perdre leur temps et qui ont envie de vivre 1h au gré des aventures d'un univers singulier. Qu'on en rie ou qu'on les prenne au sérieux, il n'empêche que ces personnages peu communs méritent le détour. Et, bien qu'elles ne soient pas réputées pour leur cinégénie - on en a peu vu dans les salles obscures depuis la Marguerite de Fernandel - elles passent parfaitement à l'écran.

L'intérêt du film est multiple. Déjà il n'est pas politique. Bovines n'est pas une sorte de pensum écologique ou végétarien et il ne se situe pas dans un élevage à grande échelle, ce qui aurait engendré une critique certaine. On est ici dans la campagne la plus simple et le cinéaste montre, sans long exposé, la vie de ces énormes ruminants dont l'homme se sert tout en leur offrant des conditions de vie paisibles. Nulle voix off, de rares humains vus de loin et leurs cris à peine audibles. Le film est un regard avant d'être du militantisme.

L'autre intérêt est formel. Car le documentaire peut être un format vite redondant et trouver un moyen cinématographique de montrer des vaches n'est pas aisé. Alors le film alterne des gros plans et des plans larges, descriptions de l'animal purement visuelles et sonores, et de leur lieu de vie. Et surtout il laisse le temps s'écouler tel qu'il est, quitte à paraitre long. Car finalement c'est le temps de l'animal. Et ses activités les plus basiques : le repos, la traite, les repas et les déjections, l'accouchement, la marche, la marche vers les camions les emmenant à l'abattoir et une certaine crainte, vite oubliée. Cela peut ne pas paraitre grand-chose, mais une heure durant, on se sent ailleurs, on voyage un peu et surtout on a l'impression de ressentir ce qu'elles ressentent dans toute la simplicité de leur existence quotidienne sans que le cinéaste nous dise quoi penser ou comment. Et cette liberté qui va de pair avec une pensée du cinéma, c'est déjà énorme !

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