Critique : Fleurs du mal

Laure Beaudonnet | 3 février 2012
Laure Beaudonnet | 3 février 2012

La référence à Baudelaire, c'est pour le clin d'œil. Fleurs du mal crée une histoire d'amour 2.0 entre Gecko, un employé d'hôtel, danseur de hip hop à ses heures, et Anahita, une étudiante d'origine iranienne, expatriée en France suite aux révoltes cinglantes contre les élections. Mais rongée par la culpabilité, elle est happée par Twitter pour suivre le quotidien de ses amis matés par un régime autoritaire. Noyée par l'inquiétude, elle voit Gecko s'imposer comme un allié (et plus si affinités). Ce premier opus de David Dusa tire partie des nouvelles technologies pour construire une narration d'un genre qui commence à éclore, celui de l'usage du langage Internet à l'écran. Ses personnages dialoguent à l'aide de Twitter, chattent sur Facebook, autorisant les images à se désolidariser des protagonistes. Et lorsqu'il s'agit de parler d'insurrection, le viral a d'autant plus de résonance. Faut-il rappeler que le Printemps arabe s'est embrasé à l'aide de l'outil de Mark Zuckerberg ?

Sans traiter directement de la révolte, le récit témoigne de l'insurrection en toile de fond. Et le sang gicle sur Youtube dont les pixels viennent parsemer l'écran. Une manière d'aborder la situation politique des iraniens à distance, tout en gardant une proximité. Anahita vit le paradoxe 2.0 : son corps est présent mais sa tête est ailleurs. Si le film témoigne d'un équilibre fragile à son commencement, il empoigne son sujet au fil du rapprochement de ses deux héros. On finit par observer avec un plaisir grandissant leur idylle dès lors que l'intimité s'ancre dans le réel. On passe volontiers de la romance gentillette à la confrontation charnelle plus obscure.

Fleurs du mal semble bien s'amuser des contrastes. Dans cette atmosphère urbaine, les mots frappent l'écran à coups d'arobases et de « hashtags », mettant les lettres au premier plan. D'autant que le titre renvoie directement à un incontournable de la poésie française. Fleurs du mal repose sur des confrontations : l'urbain, le web et la mort face aux traditions musulmanes (la scène de prière sur les toits de Paris est sublime), les vers de Charles Baudelaire et l'amour. De l'archaïsme au contemporain, Anahita fait le pont.

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