Critique : Fric-frac

Nicolas Thys | 1 février 2012
Nicolas Thys | 1 février 2012

Fric frac est certainement le film le plus connu de son réalisateur, Maurice Lehman, qui a travaillé essentiellement en France dans les années 30 mais dont l'œuvre n'a jamais été reconnue par la critique qui lui a préféré des cinéastes comme Carné, Renoir etc. Et pour cause, cette comédie populaire bien ficelée avec un trio d'acteur parfait se situe à la fois à la marge et en plein dans le mouvement cinématographique marquant du début du parlant en France, le réalisme poétique, jusqu'à en devenir une caricature.

On retrouve la classe populaire, les petites gens et Paris au centre d'un monde. Tous les personnages sont fauchés, vivotent de combines et le seul à avoir un métier sérieux rappelle sans cesse qu'il est sur la sellette, dans un monde en crise. Les dialogues sont parfaits et renvoient à une époque révolue où coexistait naturellement un français soutenu que plus personne n'utilise à base de subjonctif imparfait et le javanais, argot des taudis par excellence. La tension qui se joue dans les mots, les phrases et la diction est symbolique de l'ensemble. Fernandel, pourtant marseillais à l'accent marqué chez Pagnol, est ici le français petit bourgeois au parlé parfait dont la descente aux enfers, qui sera synonyme de liberté, coïncidera avec son apprentissage d'une autre langue, plus populaire, plus humaine, plus naturelle.

Alors bien sûr, contrairement à d'autres films de cette tendance réaliste et poétique, les relents expressionnistes des décors et costumes ne sont pas présents. De même, on est loin de la sortie des studios initiée par quelqu'un comme Renoir. Très simples, les décors reflètent d'autant mieux l'ambiance à la fois banale et sale, sans ostentation et épurée de la vie des bas fonds, imposant une autre forme de réalisme, plus soutenue et d'autant plus importante. La poésie du quotidien se joue dans un comique de situation et de mots que la mise en scène, discrète le plus souvent, ravive par instant dans certaines séquences cultes comme la discussion entre un Fernandel et un Michel Simon éméchés. Deux écoles, deux idées du jeu et du cinéma, qui se rejoignent dans l'alcool comme s'il fallait qu'ils ne soient plus eux-mêmes pour coexister, le premier acceptant l'idée que la malhonnêteté puisse faire partie de la vie quand le deuxième s'en veut presque d'être un voyou.

Fric frac est un film relativement oublié malgré son succès et ses grandes qualités et il mérite d'être revu en famille par les parents comme les enfants qui pourront se projeter dans une époque à la fois ancienne mais pas totalement dépassée. Le vocabulaire en est une fois encore la preuve : les mots que tous ne comprennent pas sont passés dans le langage courant et 70 ans après, on a parfois l'impression d'y être.

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