Tout commençait pourtant bien, ou pas si mal. Une jeune femme peint sur une toile à même le sol, à ses côtés, Willem Dafoe déambule en se rasant, papillonne de poste de radio en écran de télévision, chacun crache un assommant débit d’informations. La fin du monde est proche, l’humanité va tirer sa révérence. Le volume des appareils de communication monte, une conversation Skype débute sur un ordinateur (la première d’une interminable série, qui occupe un bon quart du film), et là, tout s’écroule. Après ce premier plan réussi (profitez-en, ce sera le seul, l’unique) Ferrara ne parvient plus qu’à éructer un flot continu d’images d’une laideur sans nom, probablement glanées ici et là sur Youtube, qui n’ont pas plus de valeur esthétique que symbolique. Jusqu’à la conclusion de cette lente agonie filmique, nous n’aurons presque exclusivement plus droit qu’à des conversations numériques, du chat, des coups de fil, et quelques dialogues creux. Les écrans ont phagocyté l’intérieur de l’image, mais sans avoir rien à nous dire, ni de propos à servir.
Il en va de même des acteurs, qui n’ont aucune idée de quelle direction prendre. Dafoe s’esbaudit sur l’horreur de sa fin prochaine depuis le toit de son immeuble, pleure devant son Mac, supplie le livreur de nouilles vietnamienne de lui donner son nom, sans jamais se départir d’une mine ahurie qui paraît plus adressée au metteur en scène et au spectateur qu’à Shanyn Leigh, qui interprète sa compagne. Cette dernière surjoue dans des proportions atmosphériques, et rend insupportable à peu près toutes les phrases qui s’échappent de sa bouche. La pauvre est desservie, il est vrai, par des dialogues qui tiennent de la blague carambar autant que de la dissertation de lycéen dépressif. Au moins aura-t-elle la décence de régulièrement interrompre ces tunnels dialogués d’une séance de déshabillage et/ou de jambes en l’air, seul dispositif prompt à maintenir l’attention du spectateur.