Critique : Un heureux événement

Laurent Pécha | 25 août 2011
Laurent Pécha | 25 août 2011

Rarement a-t-on eu autant envie que le titre d'un film colle si bien à notre ressenti à la sortie d'une projection. Il faut bien dire que depuis Le Premier jour du reste de ta vie, la côte de Rémi Bezançon est au plus haut au sein de la rédaction (et en particulier chez l'auteur de ces lignes comme en atteste ceci) et il y avait une grande anxiété face à la possible déception de voir un jeune auteur ne pas confirmer tous les espoirs qu'il avait su susciter. Quand les lumières se rallument, cette anxiété n'est plus qu'un lointain souvenir et a laissé place au contraire à l'assurance d'avoir vu le nouveau grand film d'un cinéaste doué qui est tout sauf un auteur en carton. Car, Un heureux évènement, bien qu'abordant des thèmes différents que ses deux précédents films (Ma vie en l'air pour celui non encore cité), démontre que Rémi Bezançon a définitivement un univers qui lui est propre - à tel point que depuis Le Premier jour..., on ne compte pas les copieurs maladroits -.

Se moquant du cliché grâce à la maîtrise d'un scénario parfaitement structuré qu'il a écrit avec sa compagne, Vanessa Portal (la réussite est sans doute à trouver dans cette intimité et complicité, la jeune femme apportant le regard féminin nécessaire à une telle histoire) et une mise en scène signifiante et inspirée, le cinéaste livre tout simplement une œuvre incroyablement juste, touchante et drôle sur la naissance d'une famille.

Ou comment un couple né dans une première partie enlevée où le film prend des allures de comédie romantique sophistiquée et intelligente à l'image de cette superbe séquence de drague par jaquettes de DVD interposées. Et comment l'arrivée d'un enfant, de la grossesse jusqu'à sa première année, chamboule tout sur son passage obligeant à une habile et difficile redistribution des cartes. On retrouve alors comme sur Le Premier jour..., cette faculté inouïe à recréer cinématographiquement parlant des instants intimes avec une véracité qui bouleverse tout autant qu'elle amuse. Car, la grande force de cet Heureux évènement, c'est de ne jamais oublier le film qu'il doit être et le plaisir qu'il doit procurer à son public.

Tout est ainsi méticuleusement agencé pour que chaque séquence renvoie à une expérience personnelle tout en lui donnant ce petit plus qui en fait un moment de cinéma mémorable. A ce titre, la scène de l'accouchement sonne comme le parfait exemple de la réussite magistrale de l'entreprise. Parvenir à faire rire aussi efficacement tout en caressant la fibre émotionnelle de son audience, est une preuve supplémentaire du talent de Bezançon.

Un talent qui est multitâches comme en atteste la révélation du film : Louise Bourgoin. Dans un rôle qui semble écrit pour elle (et dieu sait que ce n'est pas le cas), la comédienne fait instantanément fermer le clapet de ses détracteurs. Oubliez l'actrice d'Adèle Blanc-Sec et le rôle sur-mesure de La fille de Monaco, on assiste ici à la naissance cinématographique d'un sacré bout de femme, tellement naturelle dans son rôle qu'on jugerait qu'elle l'a vécu réellement au quotidien. Une performance qui mérite tous les éloges et bien un petit César (au minimum celui de l'Espoir). A ses côtés, Pio Marmaï, révélation du Premier jour..., confirme qu'il est un jeune premier rare dans le cinéma français et que l'univers de Bezançon lui va comme un gant.

Bien entouré, un leitmotiv chez le cinéaste qui soigne toujours ses rôles secondaires à l'image ici des savoureuses belles-mères, Josiane Balasko et Gabrielle Lazure, le couple Bourgoin-Marmaï interprète une savoureuse partition qui, à coup sûr, va faire plaisir à un sacré paquet de spectateurs. Et nous, fièrement, d'avoir la confirmation que le plus heureux des événements est bien celui d'être en présence d'un cinéaste d'exception.

Résumé

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commentaires
Flo
02/08/2022 à 12:58

Pour Louise Bourgoin et sa versatilité. Les partis pris du film (période compliquée courte, couple qui s’aime trop pour se déliter totalement) restreignant l’impact dramatique.

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