Critique : Cabeza de Vaca
C'est de cet ouvrage et de quelques morceaux de vie de l'explorateur que Nicolás Echevarría est parti pour faire son film Cabeza de vaca, tourné en 1990 mais sorti dans nos contrées seulement 20 ans après. D'une puissance et d'une beauté folle, d'une splendeur incomparable malgré les horreurs qu'il montre, cet ovni perdu entre reconstitution ethnographique et film d'aventures est de loin l'un des films les plus étranges qu'il ait été donné de voir ces dernières années.
Malgré un récit parfois tortueux et tordu dans lequel on ne ressent pas le temps qui passe et où il est difficile de tout comprendre, l'oeuvre fourmille de trouvailles et de moments de grâce. Cabeza de vaca est la description d'une existence et de croyances. Les huit années de vie sont condensées en quelques moments importants et on croirait captés sur le vif les séquences où l'acteur jouant le protagoniste entre dans les villages autochtones. La langue primitive n'est pas doublée, les costumes et coutumes semblent être reproduites à l'identique, de même que les maquillages, réalisés par un Guillermo des Toro à ses débuts, et les rites et croyances sont montrés sans aucune explication, sans voix-off, et dans une telle extase qu'on croirait que tout se produit réellement devant nos yeux.
Le film intrigue et subjugue par son audace formelle et visuelle. Les acteurs renforcent encore le baroque de l'oeuvre. Entre le mage inexpressif et le nain sans bras emmailloté dans une tenue de cuir, la femme morte ressuscitée et les personnages peints en bleu ou en blanc, les conquistadors incrédules et Cabeza de vaca devenu plus proche des indigènes que des siens, Cabeza de vaca dresse une galerie de portrait étonnante autant que défigurée, un Freaks ancien et moderne où l'homme est présent dans toute sa diversité. Les traditions ancestrales, très liées à la nature et à un au-delà que seuls certains parviennent à atteindre, sont ici subsumés dans une idée et un idéal de vie hors de la civilisation chrétienne destructrice et qui, elle, défigure réellement le paysage pour le reproduire où qu'elle aille et empêcher la diversité de s'installer.
Oscillant entre le grand film fauché et un cinéma de genre complètement revisité, Cabeza de vaca est une oeuvre culte à voir et à méditer.
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