Critique : Le Dernier voyage de Tanya

Aleksei Fedorchenko signe en 75 minutes un double film. D'une part, un réquiem intime sur la mort d'une femme et sur les rites funéraires qui accompagnent cette mort chez les Méria, peuple d'origine finnoise qui possède toujours quelques villages en Russie. D'autre part, un requiem sur la fin de ce peuple, sur ces pratiques ancestrales, ces coutumes dont personne ne peut indiquer les origines, cette langue qui n'existe déjà bientôt plus.

Fiction documentaire, le film entremêle les genres. La voix off caractéristique des documentaires se plait à décrire l'image, l'action, pratiquement au moment même où elle se déroule. Elle parle d'un peuple, elle témoigne d'une existence sur la brèche, d'une culture à l'agonie. Et la lenteur du film, que certains trouveront peut-être pénible, n'est qu'une esquisse cherchant à épouser le rythme du temps qui s'écoule, de la vie qui passe, de la mort déjà présente.

Le réalisateur voit son film comme un conte. Et il s'agit bien de cela. Un conte macabre mais un conte documentarisant, comme s'il cherchait à décrire un monde en souffrance. L'univers du film semble ailleurs, irréel, magique : l'eau, symbole pour les mérias de la mort, emmène les corps morts et souligne les rêves des vivants, leurs souvenirs. Les mémoires s'entrecroisent et se disloquent. Le tout sur fond d'un amour puissant et toujours présent.

Car finalement, dans cette torpeur intense, dans ces flots de paroles intimes, dans cette retenue et sur ces visages inexpressifs, la seule chose qui réussit à transparaitre c'est l'amour. L'amour pour cette femme, l'amour pour un père ou pour une terre et des traditions. Et ce voyage vers l'amour et la mort, le réalisateur le met en scène sobrement mais magnifiquement, laissant à la beauté simple du monde le dernier mot.