Critique : Les Grands espoirs / High hopes

Nicolas Thys | 12 juillet 2011
Nicolas Thys | 12 juillet 2011
En 1988, Mike Leigh a déjà derrière lui une carrière de cinéaste longue de près de 16 années mais seulement un film pour le cinéma : Bleak moments, tourné en 1972. Entre temps, comme de nombreux cinéastes anglais de l'époque, il a fait ses armes à la télévision. Stephen Frears ou Ken Loach y sont passés, des chaînes comme la BBC offrant davantage de possibilités d'un point de vue matériel et économique. Et déjà à cette époque son engagement marqué à gauche était présent, les chaines publiques ne se limitant pas mettre en oeuvre des fictions proches des desiderata du pouvoir.

Ce sera une fois encore le cas pour High hopes réalisé en 1988, à une époque où Chanel 4 décide de faire sortir en salles les films commandés aux réalisateurs au lieu de les projeter directement à la télévision. Cette oeuvre forte et bouleversante aux accents comiques sur la vie désenchantée d'une famille marque les véritables débuts internationaux de Mike Leigh qui sort de la confidentialité anglo-saxonne. Son film gagne le prix FIPRESCI à Venise, plusieurs récompenses aux European Films Awards et même un prix de la meilleure comédie dans un festival anglais.

High hopes est une comédie sans l'être, une farce tragique en fait. Et c'est ce mélange audacieux des genres qui fait sa principale force. Le drame est grinçant, le rire souvent jaune, plein d'un humour typiquement britannique qui parvient à faire réfléchir sur un état du monde. Nul besoin d'apitoyer inutilement le spectateur dans des scènes au haut potentiel lacrymal. Pour le mettre de son côté, Mike Leigh prend deux individus assez communs, drôle, généreux et sensibles et il les place dans un environnement complètement grotesque. Le peuple une soeur digne d'un personnage de Tex Avery, un beau-frère caricature du pire du capitalisme, une vieille femme acariâtre, ballotée et dont personne ne veut, un couple de voisin bourgeois et lubrique, un inconnu benêt et une toxico bizarre.

Et de montrer, dans des séquences qui oscillent entre comique et tragique souvent centrées sur la grand-mère au bord de la mort, l'état de décomposition latente d'une famille et à travers elle d'une société où les membres semblent tous plus fous et ridicules les uns que les autres. Et un simple gros plan sur le visage figé de la personne âgée autour de laquelle, en hors champ, tout le monde se hurle dessus suffit à signifier tout le malheur d'une société vouée à l'échec. Fiction à visée réaliste, le film nous emmène dans des décors vrais où l'histoire semble s'écrire seule. Critique du gouvernement Thatcher, du non-engagement des uns qui passent leur vie à parler sans agir, et du laxisme des autres qui contribuent à créer davantage d'inégalités, High hopes porte en fait les espoirs d'un monde où tout reste encore possible. La fin, simple et magnifique, en porte l'essence.

Mais, à revoir le film 20 ans après sa sortie, si peu de choses ont bougé qu'on a l'impression de vivre dans la caricature masquée de Mike Leigh. Et quand un tel film reste actuel, on peut sérieusement se poser des questions. En ce sens High hopes doit être vu, et il continue admirablement la veine sociale et engagée du cinéma britannique des années 60 tout en la renouvelant avec une fraicheur comique indéniable. Du Ken Loach revisité par les Monty Python !

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