Critique : Belleville Tokyo

Manon Provost | 1 juin 2011
Manon Provost | 1 juin 2011

Du quartier populaire de Belleville à l'effervescence de Tokyo, il n'y a parfois qu'un mensonge, celui d'un homme fait à sa femme, celle qu'il ne désire plus depuis qu'elle s'apprête à être mère.

Pour son premier film, Elise Girard nous conduit sur un quai de gare, et si elle semble vous inviter au voyage, ne vous y fiez pas. Belleville Tokyo est en fait le glissement progressif d'un couple vers le mensonge, l'incompréhension, l'abandon, le désamour et le rejet final, inévitable.

Réflexion sur l'idée de fin et l'appréhension de la séparation, Tokyo Belleville prend le parti de débuter là où justement l'histoire d'un couple se termine. L'histoire d'un amour en perdition, servie avec finesse et passion par le duo Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm (ex véritable couple hors fiction dont la complicité transperce l'écran). Le film est aussi le prétexte, pour cette jeune réalisatrice prometteuse, de faire un joli clin d'oeil au cinéma qu’elle affectionne et à la Nouvelle Vague, dont elle s'inspire et se nourrit librement, parfois avec un peu trop d'insistance mais toujours avec grande sincérité. Musique "parlante", son brut, le film est authentique et revient au cinéma des années 1960, un cinéma de la débrouille, du pris sur le vif, pour saisir la vie telle quelle. Les choses débordent du cadre pour un hors-champs exploité avec soin et intelligence.

Mais la plus grande réussite du film reste la dernière scène. La réalisatrice se risque à montrer une pièce désertée et silencieuse. Sans craindre l'absence, elle laisse le vide et le silence s'emparer du cadre et réussit avec justesse à faire résonner tout ce qu'elle a donné à entendre et à voir depuis le début. En laissant la porte entrouverte, Elise Girard donne l'illusion d'une sortie possible, sans nous donner la clé qui pourrait nous enfermer. Intelligent !

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