Critique : Walk away Renée

Simon Riaux | 15 mai 2011
Simon Riaux | 15 mai 2011

On avait pas de nouvelles de Jonathan Caouette depuis l'improbable Tarnation, oeuvre inclassable et multiple, précurseur involontaire de la génération youtube. Le jeune réalisateur pouvait-il seulement revenir au cinéma (si tant est que son art y appartienne) après une oeuvre de ce calibre ? Rien n'était moins sur. L'artiste nous prouve le contraire, et continue ici de tracer la voie à part qu'il a inaugurée en 2005.

Juger Walk away Renée, a fortiori dans les conditions de visionnage d'un festival de la densité de Cannes, relève de l'exercice périlleux, pour ne pas dire absurde. Comment aborder cette oeuvre, qui mixe allègrement images réelles, retouchées ou mises en scène, dans le but d'explorer la relation mère-fils qui unit les deux protagonistes ? Où se situe la limite entre cinéma, autobiographie et trip égocentrique, quand bien même on ne remet pas en cause l'absolue sincérité de l'auteur ? Interrogation hasardeuse tant les réponses sont elles-mêmes multiples, et en grande partie subjectives.

Ce que l'on peut dire pour défendre la création de Caouette, c'est qu'il s'agit, encore une fois, d'un exceptionnel travail de l'image. Si le grain de son film précédent et les réminiscences en Super 8 sont toujours présentes, elles sont petit à petit supplantées par le numérique, les ajouts, et les distorsions et transformations qu'il autorise. Si ces essais tiennent quelques fois de la boursoufflure pas nécessairement de bon goût, elles fonctionnent souvent grâce à leur inventivité et le rapport étroit entretenu avec le propos.

Jonathan Caouette réussit le tour de force de raconter une histoire, au sens stricte du terme, en utilisant le matériau brut de son existence. Il fait de sa mère et de lui-même des personnages dont il explore la psyché torturée, sans tabou aucun. Le réalisateur nous livre-t-il un récit issu du réel, ou une vérité extraite d'une pure fiction ? Nous ne le saurons jamais tout à fait. Dans sa dernière bobine, le metteur en scène ira jusqu'à se désintéresser (en apparence) de ses enjeux narratifs pour faire jaillir de l'écran un pur trip sensorielle, entre saillie de science-fiction et délire psychédélique 2.0.

Walk away Renée pourrait bien vous fasciner autant que vous repousser. Dans les deux cas, on ne pourra que donner raison au film, en cela qu'il s'impose comme une véritable oeuvre expérimentale. En effet, il semble évident que Jonathan Caouette n'a procédé à aucun calcul quant à la réception de son film, et qu'il semble le réaliser sous nos yeux ébahis, alors que défile au rythme de vingt-quatre images par secondes les preuves de sa folie furieuse. De toute son âme, il tente tout, tout le temps, à une époque ou malgré la multiplicité des formats et des supports, la règle semble être de ne tenter rien, jamais.

 

 

 

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