L'Aigle de la Neuvième Légion : critique en sandales

Simon Riaux | 12 avril 2016
Simon Riaux | 12 avril 2016

Cela fait un moment, depuis la superbe frustration du Treizième guerrier à vrai dire, que l'on fantasme de voir réunis à l'écran le souffle épique du péplum et la rage violente de la série B d'aventure. Centurion n'étant pas parvenu à combler nos attentes, malgré d'indéniables qualités, on espérait que L'aigle de la neuvième légion y parvienne. Il nous faudra encore patienter, l'essai étant loin d'être transformé avec ce long-métrage qui aligne les bonnes idées comme les fautes de goût.

Tout partait plutôt bien. Avec son histoire d'honneur perdu mâtinée de Maître et esclave, Kevin Macdonald tenait là un canevas plaisant, qui ne demandait qu'à s'épanouir une fois franchi le mur d'Hadrien. Si Channing Tatum a bien du mal à faire exister son personnage de fils traumatisé par la chute de son nom, il en impose en soldat de Rome, et emporte juste ce qu'il faut d'adhésion par sa seule présence physique. Jamie Bell en esclave revêche est quant à lui impeccable. Vif et nerveux, il parvient même à conférer à son acolyte lors de leurs échanges une profondeur que Tatum ne peut atteindre par son seul jeu. Une distribution inégale donc, mais qui ne handicape pas le récit dans sa progression, ni son intensité.

 

 

Beaucoup plus hasardeuse est la narration, au rythme erratique. Lente dans son deuxième acte, elle permet une évolution intéressante des enjeux symboliques et dramatiques, alors que la relation entre le romain et son serviteur Picte bascule peu à peu. Cette transformation, mêlée au réalisme rigoureux qui nourrit jusqu'alors le long-métrage, autorise le spectateur à nourrir de grands espoirs sur ce que sera le dernier acte du récit. Malheureusement ce dernier est désamorcé par une interminable séquence d'errance, où nous nous fatiguons de voir nos héros claudiquer péniblement. La bataille finale ne relèvera pas le niveau, court-circuitée par un rebondissement en forme de carterons de deus-ex-machina, barbus et hagards. Ces défauts sont d'autant plus regrettables que le film préserve dans sa première moitié ce qui manquait cruellement au dernier bébé de Neil Marshall, à savoir conjuguer petite et grande histoire, ambition épique et budget modeste. La première demie-heure, et sa bataille centrale, lisible, violente et immersive, valaient à elles seules le détour.

 

 

Résumé

Tout n'est pas à jeter dans L'Aigle de la neuvième légion. Toutefois les nombreuses imperfections de cette nouvelle incursion en territoire Picte donnent à penser qu'il serait plus intéressant de nous raconter le combat pour la survie de ces tribus aussi sauvages que valeureuses, plutôt que de se concentrer toujours sur le destin de ces romains dépassés par leurs adversaires. En effet, le portrait du peuple emmené par Tahar Rahim constituent la seule réussite véritable du film, et in fine le prétexte qui nous pousse encore une fois à rentrer dans la salle.

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Lecteurs

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commentaires
Flo
25/09/2023 à 13:16

Kevin Macdonald s’empare d’un roman connu, qui a peut-être influencé quelques films d’action péplumiques, plus centrés sur des quêtes en territoires hostiles que sur de grandes épopées. Ce qu’on peut aussi retrouver dans des westerns et des films de guerre.
C’est clairement le cas ici lorsqu’on se trouve face à des peuplades autochtones guerrières, évoquants des Natifs oppressés.
Et aussi avec son personnage principal de vétéran, traumatisé de longue date et en recherche de réponses sur son ascendant porté disparu – il y a un peu de Joseph Conrad en lui, quand il s’enfonce dans ces paysages étrangers, garni de visions proches du Surnaturel.
C’était d’ailleurs un des premiers grands rôles de Channing Tatum, où il pouvait exprimer un peu plus de gravité, de noirceur (il tue des enfants soldats, ce genre de chose).

Mais peut-être à cause justement de ce même Tatum, le film manque à sa promesse dramatique, et se définit in fine comme un buddy movie sensible avec Jamie Bell : le côté féminin sur le visage de celui qui a un corps massif (représentant les empires romains Et américains)… Féminin par contre sur le corps gracile de celui qui a un visage très anguleux (et une nationalité anglaise).
Ils pourraient être amis, mais les circonstances vont les en empêcher, alors que le rapport de maître à esclave va aussi s’inverser entre eux deux. Mais tout cela reste assez léger, chiche en violence des contraires, surtout lorsque des itérations de scènes chocs peinent à se justifier – deux scènes d’exécution devant spectateurs (façon terroristes), et la deuxième manque de cohérence malgré une mise en scène plutôt subtile.
Une fin alternative devait enfoncer le clou de l’inanité de cette quête glorieuse, le fameux aigle doré ayant plus à voir avec le faucon maltais… dommage que le film n’ait pas fait ce choix là, la conclusion finale ayant plus l’allure d’une bravade, plutôt que d’un espoir de résilience.
Celà dit, buddy movie oui mais contenant des choix de mise en scène dignes d’un film un peu plus radical – des plans très travaillés qui durent, des idées visuelles bien fichues (la peinture corporelle qui part lors du dernier combat, suivie d’un fondu enchaîné sur l’eau), pas de musique trop omniprésente et tonitruante, pas de personnages principaux féminins (facultatifs)… Dans ce sous-genre du Péplum, il fait partie du haut du panier.

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